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Douze

Titel: Douze Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jasper Kent
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français se voyaient comme des parasites festoyant sur le cadavre d’une ville autrefois glorieuse, ou s’ils croyaient être l’avant-garde d’une nouvelle vague de vie qui avait revitalisé tout le reste de l’Europe et apportait maintenant la réalité physique des Lumières en Russie ? Je pense que Bonaparte lui-même en était probablement persuadé, mais je crois également qu’il se leurrait. Max avait partagé les illusions de Bonaparte.
    Cela faisait presque quatre heures que je n’avais pas pensé à Max.

    Ce fut au milieu de l’après-midi de ce jour-là, le 3 septembre, que j’entendis les premières histoires d’incendies faisant rage à Moscou. J’avais investi dans une quantité substantielle de tabac et j’en proposais furtivement à un prix absolument déraisonnable à tout soldat ou officier français que je croisais. La leçon la plus imprévue que je tirai de tout ceci était que j’avais manqué ma vocation. Le temps de vendre à peine un tiers de mon stock, j’avais déjà regagné plus que ce que je l’avais payé. Je compris combien les quelques milliers d’habitants qui étaient restés à Moscou, quelles que soient leurs craintes de mourir, avaient dû être tentés par le profit qu’il y avait à faire.
    Les bénéfices que je cherchais à en tirer n’étaient pas constitués d’espèces sonnantes, mais de renseignements. Je maintenais toujours ma façade simpliste d’homme qui ne parlait pas le français, et j’étais donc en mesure de récolter toutes les informations relatives aux plans et aux déploiements dont les Français discutaient, ainsi que des ragots et commérages.
    Des feux éclataient partout dans Moscou. Les récits français disaient que d’anciens condamnés des prisons de Moscou avaient été libérés et avaient reçu l’ordre du gouverneur en fuite, Rostopchine, de brûler la ville plutôt que de laisser les Français l’occuper. Les Moscovites à qui je parlai rapportaient, de façon assez prévisible, une version différente : c’étaient les Français qui démarraient les feux, avec l’intention non seulement d’occuper la ville, et de la violer, mais, ultimement, de la détruire. Cela n’avait guère de sens pour moi : aucun ver ne pourrait jamais être heureux de voir incinéré le cadavre dont il se nourrissait. Selon un autre point de vue, les incendies n’étaient que des accidents. Les Français se préoccupaient moins que ses habitants de la ville, et ils étaient donc moins inquiets au sujet d’une bougie renversée ou d’un tison bondissant. De surcroît, sans la moindre autorité civile en place, il n’y avait aucune organisation – ou aucun élan – pour éteindre le moindre incendie causé de cette manière. Auparavant, Moscou avait été bien équipée en tuyaux et pompes, ainsi qu’en hommes qui savaient comment les utiliser, mais tous avaient disparu dans l’évacuation. Les Russes et les Français se regardaient en chiens de faïence de part et d’autre de la ville en flammes, chacun accusant l’autre, et aucun n’était prêt à ciller.
    Parmi les récits relatifs aux incendies, je saisis d’autres rumeurs ; des rumeurs effroyablement familières, selon lesquelles il y avait un fléau à Moscou. À mesure que j’entendis davantage de ces colportages, l’idée de fléau commença à se transformer. Les Français se mirent à parler de strangulations, de disparitions, d’une meute d’animaux sauvages.
    Les Opritchniki faisaient leur travail. Et pourtant, je me demandais si les deux phénomènes n’étaient pas liés. Les Opritchniki n’avaient aucune idée préconçue de la guerre, et les conventions ou les coutumes ne représentaient pas des barrières infranchissables. Peut-être les incendies étaient-ils eux aussi partie prenante de leur solution peu conventionnelle pour éjecter les Français. Je n’étais pas certain que j’aurais sacrifié la ville elle-même dans cette intention, mais les Opritchniki, en tant qu’étrangers, n’avaient aucun scrupule de cet ordre. Et ainsi j’aurais pu échouer où ils allaient réussir. Avec les Opritchniki, il était très simple (et très agréable) d’hypothéquer ses propres scrupules, sachant qu’après la bataille ils nous reviendraient intacts – ni diminués ni consultés.

    Le lieu de rendez-vous du mardi était l’église Saint-Clément, dans la banlieue de Zamoskvorechié, pas très loin de mon nouveau lieu de résidence. Son prêtre

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