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Douze

Titel: Douze Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jasper Kent
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d’irrémédiablement terrible avait eu lieu, quelque chose qui avait détruit tout mon monde. Si l’on m’avait demandé ce que c’était, j’aurais été incapable de répondre et, dans le temps qu’il m’aurait fallu pour me rappeler ce que c’était, j’aurais été assez éveillé pour me rendre compte que ce n’était rien. Mais, durant quelques secondes après mon réveil, je n’eus aucun doute quant à son existence ou son énormité.
    Lorsque j’ouvris les yeux, je bondis hors de mon lit, sentant instinctivement que le remède à ma peur était l’action physique. Mon environnement était étrange. Je devais essayer de combattre la terreur à laquelle j’étais confronté. Mais je ne pouvais pas me rappeler ce que je devais faire – ni même ce qu’était cette terreur.
    En quelques secondes, je m’éveillai complètement. J’étais dans une chambre de la maison abandonnée de Zamoskvorechié. C’était la quatrième nuit que je passais là. Je me remémorai mon rêve et j’aurais pu en raconter le moindre détail. Je repris mes esprits et compris que ces peurs appartenaient au monde des songes et n’étaient pas réelles. Le soulagement submergea aussi bien mon esprit que mon corps comme un verre réconfortant de vodka. Mais c’était bien un cauchemar. J’étais encore hanté par la peur enfantine de me rendormir et de peut-être retourner à cet endroit effrayant dont, en m’éveillant, je m’étais justement échappé.
    Je me rallongeai. Je n’avais aucune idée de l’heure qu’il était – dehors, il faisait encore nuit noire et je ne ressentais pas le besoin impérieux d’allumer une bougie. Je me demandai si je parviendrais à me rendormir. Lorsque j’étais tout petit et que je faisais un cauchemar, ma mère m’avait parfois laissé dormir dans son lit jusqu’au matin. Mon père ne tolérait pas ce type de dorloteries, et cela ne m’était donc autorisé que lorsqu’il était loin. Après sa mort, je grandis très rapidement et le besoin ne se fit donc plus sentir. Je ne parvenais pas davantage à me rendormir mais je restais éveillé, terrorisé, dans mon propre lit, comme un homme.
    Et maintenant j’étais effectivement un homme et je restai pourtant éveillé. Je repassai le rêve encore et encore dans mon esprit, essayant de déterminer quel était l’élément qui l’avait transformé en cauchemar, espérant me rendormir en cours de route. Quelque chose en rapport avec le raisin semblait résonner plus particulièrement avec le sentiment de peur qui perdurait en moi ; quelque chose dans le fait que Dominkiia me l’offrait, dans le fait que je le prenais, même si la perspective de ma mort ne me causait que peu d’appréhension.
    Il se peut que je sommeillais, allongé là, et pourtant je jurerais que j’étais éveillé tout du long, comme lorsque, recroquevillé en sécurité dans le lit de ma mère, je ne m’étais jamais senti assez à l’aise pour retomber dans le monde de l’inconscience. C’était toujours le chant des oiseaux qui venait mettre fin à l’horreur. Lorsque l’aube apparaissait, leur chant annonçait la résurrection du soleil et le début d’une nouvelle journée. Le temps – qui s’était arrêté dans l’obscurité perpétuelle et immuable de la nuit, lorsqu’il n’y a aucun moyen de dire si la dernière pensée est intervenue une seconde ou une heure plus tôt – allait reprendre sa course.
    Et ainsi, à Moscou, le chœur de l’aurore, que j’associais toujours, comme je l’avais toujours fait depuis mon enfance, à la fois au fait d’être terrifié et à la cessation de cette terreur, finit par annoncer une nouvelle journée. Le temps reprit sa course et la nuit, et le cauchemar, pouvaient être oubliés.
    Lorsque la rationalité redevint enfin pleinement résurgente en moi, je me rendis compte qu’un homme sensé craindrait bien davantage cette journée-là que la nuit précédente. C’était le jour où les Français devaient entrer dans Moscou.

    L’après-midi était déjà bien avancé lorsque les Français arrivèrent enfin de l’ouest, alors même que les dernières brigades de ce qui subsistait de l’armée russe filaient à l’opposé, vers l’est. Parmi les derniers à partir, selon les langues bien pendues spécialistes des rumeurs, se trouvait le comte Rostopchine, gouverneur de la ville. Ayant peur que la populace russe ne le laisse pas partir, il lui avait livré un restaurateur du nom de

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