Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
Vom Netzwerk:
une petite ville. A une journée ou deux de Rome.
    — La ville d’où venait Sextus Roscius, Ameria, c’est
bien cela ?
    — Oui, c’était à Ameria.
    — Elle rêvait d’y aller. Ah ! Comme cela a dû lui
plaire ! L’air pur, les animaux, les arbres…
    Je me rappelai l’histoire que m’avaient racontée Félix et
Chrestus et fus sur le point de défaillir.
    — Oui, c’est une jolie petite ville.
    — Et où est Elena à présent ?
    — Elle est morte. Peu de temps après la naissance. Des
suites de l’accouchement.
    — Quel malheur ! Elle désirait tant avoir un
enfant de lui.
    Elle me tourna le dos, en s’assurant que je ne pouvais pas
la voir dans la glace. Depuis combien de temps Electra n’avait-elle pas pleuré
devant un homme ? Au bout d’un moment elle reprit sa position et posa la
tête sur ses oreillers. Ses yeux étaient encore embués de larmes. Sa voix était
dure.
    — M’as-tu dit la vérité ?
    — Oui.
    — Tu m’as déjà menti. Tu m’as menti en me disant que le
jeune esclave t’appartenait. Pourquoi pas cette fois-ci ?
    — Parce que tu mérites de savoir la vérité.
    — Ah oui ? Tu me crois vraiment insensible ?
Pourquoi n’as-tu pas pitié de moi ? Tu aurais pu me dire qu’Elena était
vivante et heureuse, qu’elle allaitait un bébé en bonne santé. Comment
aurais-je su que c’était un mensonge ? Tu as préféré me dire la vérité. À
quoi me sert la vérité ? C’est un véritable châtiment. Est-ce que je
mérite que tu me traites ainsi ?
    Des larmes jaillirent de ses yeux.
    — Pardonne-moi, murmurai-je.
    Elle se détourna de moi et ne répondit rien.
    Je quittai la Maison aux Cygnes, en passant devant les
prostituées qui arboraient de grands sourires et les clients aux lèvres serrées
et aux regards concupiscents. Le tenancier se retourna pour me saluer. On
aurait dit un masque grotesque de comédie. Dans la rue, je m’arrêtai pour
reprendre mon souffle. Quelques instants plus tard, il me rattrapa en courant,
il criait et serrait les poings.
    — Qu’est-ce que tu lui as fait ? Pourquoi
pleure-t-elle comme ça ? Elle a beau être belle, elle est trop vieille
pour pleurer sans gâcher sa beauté. Elle va avoir les yeux gonflés et ne pourra
plus travailler de la journée. Quel genre d’homme es-tu donc ? Un salaud,
un pervers. Ne reviens surtout pas chez moi. Va ailleurs. Va jouer tes petits
jeux autre part.
    Là-dessus il rentra en trombe dans la maison.
    Un peu plus loin dans la rue, mais assez près pour avoir
tout entendu, je rencontrai le noble flegmatique qui m’avait précédé. Il était
accompagné de deux gardes du corps et d’une petite suite. Il avait au moins le
rang de magistrat. A mon passage, ils se mirent tous à rire bruyamment. Leur
maître me gratifia d’un sourire condescendant. Il me regarda comme un homme
puissant regarde un inférieur : malgré l’abîme qui les sépare, les dieux
leur ont donné les mêmes appétits !
    Je m’arrêtai et le dévisageai assez longtemps pour qu’il
cesse de sourire. Je l’imaginai avec une mâchoire brisée, plié en deux sous l’effet
de la douleur, ruisselant de sang. Un des gardes grogna contre moi comme un
chien qui flaire des menaces invisibles. Je serrai les poings sous ma tunique,
me mordis la langue si fort qu’elle se mit à saigner, regardai droit devant moi
et m’éloignai.
    Je marchai jusqu’à ce que je n’en puisse plus, traversai des
places grouillantes de monde où j’avais l’impression d’être complètement
étranger, passai devant des tavernes où je n’avais aucune envie d’entrer. De
nouveau j’eus l’illusion d’être invisible, mais cette fois sans me sentir fort
ou libéré, j’étais comme vidé de toute substance. Rome était une ville sordide :
les bébés hurlaient, les oignons crus et la viande pourrie empuantissaient l’atmosphère,
les pavés étaient sales. Un cul-de-jatte traversait la rue en se traînant par
terre, une bande d’enfants le poursuivait en le bombardant de cailloux et en le
couvrant d’insultes.
    Le jour baissait. J’avais un creux dans l’estomac, mais je
ne voulais pas aller manger. L’air était léger et frais à l’approche du
crépuscule. Je me trouvai devant l’entrée des bains de Pallacine, qu’avait
fréquentés le défunt Sextus Roscius.
    — On a bien travaillé aujourd’hui, remarqua le jeune
homme qui me débarrassa de mes vêtements. Il n’y a presque pas eu de

Weitere Kostenlose Bücher