Du sang sur Rome
d’un pas rapide.
Je rassurai Bethesda qui me regardait avec inquiétude :
Cicéron nous payait un garde jusqu’à la fin du procès, j’irais chercher un
professionnel plus tard dans la soirée. A la moue qu’elle faisait, je vis qu’elle
allait me décocher une remarque sarcastique. Je couvris ses lèvres de baisers
et rentrai, fermant la porte du pied. Elle se pendit à mon cou et m’entraîna
par terre avec elle.
Elle était ravie de me revoir et me le fît savoir. Elle m’en
voulait de l’avoir abandonnée à des inconnus, et me le fit savoir également :
elle me laboura les épaules de ses ongles et me frappa le dos de ses poings,
elle me mordilla le cou et les oreilles. Je la dévorai comme un homme affamé.
Jamais l’on n’aurait cru que je n’étais parti que pour deux nuits.
Elle s’était baignée le matin. Sa chair avait un goût
différent ; un parfum nouveau – chipé dans la cache de la
maîtresse de maison, m’avoua-t-elle ensuite – imprégnait sa gorge et
les recoins les plus secrets de son corps. Les derniers rayons du soleil nous
trouvèrent nus et pantelants sur le tapis usé du vestibule, où notre sueur
laissait des empreintes obscènes. C’est alors que mes yeux tombèrent sur l’inscription
griffonnée avec du sang sur le mur : « Tais-toi ou meurs… »
Un courant d’air vint soudain me glacer l’échine. Un
instant, tout sembla suspendu entre la chaleur de sa chair et ce message de
mort. Mon cœur cessa de battre, le monde s’éloigna, les mots résonnèrent à mes
oreilles, comme si une voix les prononçait. J’aurais pu y lire un
avertissement, fuir la maison, fuir Rome et la justice romaine. Je préférai
mordre l’épaule de Bethesda, qui soupira, et la nuit reprit son cours fatal.
Ensemble, nous allumâmes les lampes – et bien qu’elle
ne manifestât aucun signe de peur, Bethesda voulut que toute les pièces fussent
éclairées. Je la pressai de m’accompagner pour trouver un garde, mais elle tint
à préparer le dîner. J’éprouvais de l’appréhension à l’idée de la laisser
seule, ne fut-ce qu’une petite heure. Je voyais bien qu’elle se forçait à être
brave. Dès que j’aurais le dos tourné, elle brûlerait un bâton d’encens en
faisant quelque incantation apprise de sa mère. Sur le seuil, je m’assurai qu’elle
verrouillait de l’intérieur.
La lune montante jetait une lumière bleue sur les toits,
dont les tuiles ressemblaient à des écailles de cuivre. Je descendis la colline
et arrivai dans Subure où régnait, même la nuit, une activité fiévreuse.
J’aurais pu trouver un homme de main à n’importe quel coin
de rue, mais je voulais un lutteur professionnel, un esclave de confiance
appartenant à la suite d’un homme riche. Je me rendis dans une petite taverne
nichée derrière le lupanar le mieux achalandé du quartier, pour y trouver Varus
l’Entremetteur. Il vit que j’étais en fonds et compris sur-le-champ mes
desiderata. Il disparut après avoir bu une coupe à mes frais, et revint
accompagné d’un géant.
Le contraste était saisissant. Varus lui arrivait au coude ;
son crâne chauve et ses doigts couverts de bagues luisaient dans la lumière
tamisée, qui adoucissait encore ses formes arrondies. La bête à ses côtés était
à peine domptée ; une lueur fauve brillait dans ses yeux. Il dégageait une
impression de force surnaturelle, comme s’il avait été taillé dans le granit ou
le bois ; l’homme avait un visage buriné. Sa longue chevelure et sa barbe
étaient soigneusement brossées, sa tunique était de qualité – le
maître devait être fort respectable. Et surtout, il avait l’air capable de tuer
un homme à mains nues.
C’était exactement ce que je voulais. Il s’appelait Zoticus.
— L’esclave préféré de son maître, m’assura Varus. Il
ne sort jamais sans lui. Un tueur confirmé – qui a tordu le cou à un
cambrioleur pas plus tard que le mois dernier. Puissant comme un taureau.
Sens-tu cette haleine ? Son maître le nourrit d’ail. C’est un truc de
gladiateurs, pour leur donner de la force. Son maître possède trois lupanars,
deux tavernes, et une maison de jeu, toutes par ici. C’est un personnage pieux
et respectable, sans un ennemi au monde, j’en suis sûr, mais qui souhaite se
garder de l’imprévu. Qui n’en ferait autant ? Il ne se sépare jamais de
son fidèle Zoticus ! Mais spécialement pour moi, car il me doit un
service, il
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