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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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mirer
dedans.
    Je me vis et repris brutalement conscience. Ce n’était pas
un cauchemar, j’étais au cœur de Rome, l’immense cité assoupie.

7
    — De toute évidence,
c’est un avertissement à ton intention, Cicéron.
    — Mais s’il comptait en finir avec toi et ton esclave,
pourquoi ne pas avoir achevé la tuerie d’abord, et rédigé le message ensuite ?
    Je haussai les épaules.
    — Parce qu’il avait versé assez de sang comme ça, après
avoir égorgé Zoticus. Parce que tout était calme et qu’il ne pensait pas que je
me réveillerais. Parce qu’une fois le message écrit, si une complication
survenait ou si nous poussions des hurlements, il pourrait toujours prendre la
fuite. Ou peut-être attendait-il un complice ? Je ne sais pas, Cicéron, je
ne peux pas parler pour un mort. Mais il avait la ferme intention de me tuer, c’est
sûr. Et le message t’est destiné.
    Il n’y avait plus de lune. Nous étions à l’heure la plus
sombre de la nuit, mais l’aube ne pouvait être éloignée. Bethesda était dans l’aile
réservée aux esclaves, j’espérais qu’elle dormait. Rufus, Tiron et moi-même
étions réunis dans le bureau de Cicéron, entourés de brasiers crépitants. Notre
hôte arpentait la pièce en se frottant le menton.
    Il avait l’air hagard, était mal rasé, mais ses yeux
brillaient avec éclat. C’est ainsi que nous l’avions trouvé en échouant à sa
porte, Bethesda et moi, après notre fuite à travers la ville :
parfaitement réveillé dans une maison illuminée. Un esclave aux paupières
gonflées nous avait menés à son bureau. Là Cicéron, un parchemin à la main,
déclamait tout en lapant un bouillon de poireau fumant – recette
secrète d’Hortensius pour adoucir la voix.
    Avec Tiron pour secrétaire, il avait presque terminé la
première version de sa plaidoirie, qu’il essayait sur son auditoire, quand nous
fîmes notre entrée, grelottant et couverts de sang.
    L’intendant s’était chargé de Bethesda et m’avait fourni de
quoi me laver et me changer. J’avais fait de mon mieux, mais à la lumière des
lampes, je ne pouvais m’empêcher de remarquer des particules de sang séché sur
mes ongles et mes pieds nus.
    — Nous voilà donc avec deux cadavres sur les bras, fit
Cicéron. Bon, il va falloir que j’envoie quelqu’un demain. Encore des frais !
Et il faudra dédommager le propriétaire de Zoticus. Tu me ruines, Gordien !
    — Ce message, interrompit pensivement Rufus. Que dit-il
exactement ?
    Je fermai les yeux et revis chaque mot en lettres écarlates :
« Le sot a désobéi. Il en est mort. Plus sage est celui qui prend congé,
lors des ides de mai. » Il me semble aussi qu’il avait retouché l’ancien
message avec du sang frais.
    — Un perfectionniste.
    — Oui, et meilleur en orthographe que Mallius Glaucia.
Il formait bien ses lettres et travaillait de mémoire. L’esclave d’un maître
des plus distingués.
    — Il paraît que les gladiateurs de Chrysogonus savent
lire et écrire.
    — C’est vrai, dommage que tu aies occis ce Barberousse.
Il aurait pu nous apprendre qui l’envoyait.
    — Justement, Cicéron, il venait de ta part.
    — Épargne-moi ton ironie, Gordien. Nous étions convenus
que tu engagerais quelqu’un de ton côté. A la vérité, je n’y ai même plus pensé
après ton départ. Je me suis mis à travailler à mon discours, et le reste m’est
sorti de la tête.
    — Pourtant, il s’est présenté comme venant de ta part.
C’était une ruse délibérée pour me tromper ; celui qui l’a envoyé était
donc au courant de notre arrangement, à savoir que tu paierais un professionnel
pour garder ma maison. Comment est-ce possible, Cicéron ? Les seuls
témoins de notre discussion sont les mêmes que ceux ici présents.
    Je fixai Rufus qui baissa les yeux. L’amour frustré peut se
changer en haine et les désirs inassouvis appellent la vengeance. Quelle
vipère, pensai-je. Tout au long, Cicéron lui avait confié sa stratégie, et il
avait comploté pour la combattre. Comme quoi, il ne faut jamais faire confiance
à un noble, aussi jeune et innocent qu’il paraisse. Les ennemis de Sextus le
manipulaient. Il avait failli me sacrifier pour humilier Cicéron. Cela semblait
impossible à voir son nez en trompette et ses taches de rousseur, mais les
Romains sont ainsi faits !
    J’allais l’accuser tout haut et exposer ses secrets – sa
passion cachée pour Cicéron, sa

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