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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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confiner dans ma chambre si nécessaire. Qu’elle reste ici à entendre
Cicéron déclamer tout le jour. La punition sera amplement suffisante pour
quelque bris de vaisselle.
    Tiron prit un air désapprobateur ; il n’approuvait pas
mon sarcasme. Une légère brise écarta les rideaux, et nous apporta des bribes
de la plaidoirie :
    — L’énormité même du crime de parricide requiert qu’il
soit irréfutablement prouvé, avant qu’un homme raisonnable puisse croire qu’il
a été commis. En effet, quel insensé, quel dépravé, quel rebut de l’humanité
attirerait sur sa tête et sur sa descendance la malédiction, non seulement de
la populace, mais des dieux ? Vous le savez, bons Romains, je dis la
vérité : telle est la force du sang qui lie l’homme à sa propre chair qu’en
répandre une seule goutte crée une souillure indélébile. Elle pénètre le cœur
du parricide et distille la folie et la rage dans une âme déjà pervertie… Oui,
c’est ça, c’est exactement ça, par Hercule !
    — Au cas où tu voudrais te laver, fit Tiron en
désignant la petite table où se trouvaient une bassine d’eau et une serviette.
Et puisque tu es venu sans rien, j’ai rassemblé quelques affaires qui devraient
t’aller.
    Il déposa les tuniques une à une sur le divan pour mon
inspection. Elles ne pouvaient appartenir à Cicéron, dont le torse était plus
long et plus étroit que le mien : elles semblaient avoir été faites pour
Tiron. La plus simple était de meilleure facture et de plus belle qualité que
ma toge d’apparat.
    Pendant que je me préparais, Tiron m’apporta du pain et une
corbeille de fruits. Je dévorai le tout et le renvoyai en chercher d’autres. J’étais
affamé, et ni la chaleur ni le ronronnement du discours de Cicéron ne pouvaient
me couper l’appétit.
    Je finis par soulever le rideau et pénétrai dans le jardin.
Cicéron leva le nez de son texte au moment où Rufus entrait derrière lui.
    — Cicéron, Gordien, écoutez : c’est incroyable, c’est
scandaleux. Ce ne sont que des rumeurs, mais nous devrions pouvoir les vérifier :
savez-vous la valeur globale des propriétés de Sextus Roscius ?
    Je calculai :
    — Un chapelet de fermes, certaines environnées de
terres fertiles au confluent du Tibre et du Nar ; une villa luxueuse dans
le domaine principal d’Ameria ; une maison en ville – au moins
quatre millions de sesterces.
    — Plutôt six. Et
combien croyez-vous que Chrysogonus, oui, Sa Grandeur elle-même et non Capito
ou Magnus, aura payé pour l’ensemble ? Deux mille sesterces en tout. Deux mille !
    Cicéron était visiblement choqué.
    — C’est impossible. Crassus même n’est pas si avide.
    — Qui t’a donné cette information ?
    Rufus s’échauffa.
    — C’est bien là le problème. Je le tiens d’un des
commissaires de la vente. Celui-là même qui a conduit les enchères.
    Cicéron jeta les bras au ciel.
    — Jamais il ne voudra témoigner !
    — Évidemment non, fit Rufus un peu vexé. Mais il a
consenti à me parler. Je suis sûr qu’il n’exagère pas.
    — Cela ne suffit pas. Il nous faut le dossier de la
vente. Et bien sûr le nom de Sextus Roscius sur les listes de proscription.
    — J’ai fouillé toute la journée sans résultat. Les
documents officiels sont dans un état pitoyable. On voit qu’ils ont été
marqués, trafiqués, et pour autant qu’on sache, volés. Avec les guerres civiles
et les proscriptions, les archives de l’État sont dans un désordre épouvantable.
    Cicéron se caressait le menton d’un air pensif.
    — Nous savons que si le nom de Sextus Roscius est
inscrit sur les listes, il l’est illégalement. D’un autre côté, s’il y figure,
cela disculpe son fils.
    — S’il n’y figure pas, de quoi Capito et Chrysogonus
pourraient-ils arguer pour conserver ses propriétés ? demanda Rufus.
    — Voilà pourquoi, intervins-je, Chrysogonus et ses
complices souhaitent si ardemment la mort de Sextus Roscius, si possible par
des moyens légaux. Une fois la famille anéantie, personne ne viendra les
attaquer en justice, et cette histoire de proscription et de meurtre ne sera
plus qu’un cas d’école. Le scandale est tellement flagrant que n’importe quel
observateur peut s’en rendre compte ; c’est ce qui explique qu’ils en
soient arrivés à ces extrémités, à cette brutalité. Leur stratégie consiste à
réduire au silence tous ceux qui savent, ou sympathisent

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