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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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plus de compassion que je ne puis en
tenir, madame, lui répondit Flamel d’une voix sourde. J’appelle religion ce qui
concourt à la délivrance de l’esprit et du corps. C’est la mort qui délivre le
corps, c’est l’illumination de la conscience qui délivre l’esprit.
    — Je ne vous entends point, dit-elle en
reniflant de plus belle.
    — Quand la clarté du haut savoir occupe l’esprit
développé, débarrassé de l’obscurantisme, des vulgaires idolâtries et doctrines,
il voit tout, et il n’est rien d’aussi secret qu’il puisse être au monde, car c’est
entre soi et soi.
    — Et vous le possédez ce haut savoir ?
    — Si je ne l’ai pas, que je l’acquière, si je
l’ai, que je le garde.
    — Comme c’est commode ! lança Isabelle
en s’énervant de nouveau.
    — Il n’y a rien de plus ardu, au contraire. Les
alchimistes se disent les philosophes de l’Absolu. Ils sont les conquérants et
les gardiens de la Science supérieure, qui englobe les principes de toutes les
autres sciences, passées, présentes et futures. La Science universelle explique
la nature, la source et la raison d’être de toute chose, de l’origine de l’univers
à sa destinée, de ce qui est invisiblement petit jusqu’au cosmos.
    — En somme, les alchimistes qui fabriquent de
l’or ne cherchent ni la richesse ni le pouvoir ? ricana-t-elle.
    — Ceux-là ne le trouveront jamais. Comme Jean
de Meung le dit : Pauvre homme tu t’abuses bien, par ce chemin ne
feras rien. Le plomb est la lourdeur et la vulgarité, poursuivit-il, l’or
est l’élévation et la connaissance. La transmutation des vils métaux en or pur
est la représentation de la transmutation de l’âme à son éveil. C’est là que se
trouve l’immortalité, celle de l’âme.
    Il se fit un grand silence que rompit Jean la
Grâce avec bonhomie :
    — Moi qui croyais que les alchimistes étaient
des charlatans, des bonimenteurs ou des insensés à la recherche du Saint-Graal,
voilà qu’il s’avère que ce sont de grands philosophes. Pourtant je pense, quant
à moi, que l’homme qui s’attache à vivre pour atteindre le paradis après sa
mort oublie trop souvent d’être heureux ici-bas.
    — Qui vous dit que l’alchimiste cherche le
paradis ? C’est la conscience et la science qu’il cherche. La Connaissance !
    — Dieu seul est la Connaissance, renchérit
Isabelle. Pensez-vous, messire Flamel, que Dieu est alchimiste ?
    Les deux hommes s’esclaffèrent.
    — Dieu, dit enfin le maître, a mis la
Connaissance en chacun de nous. Savez-vous, madame, pourquoi vous avez une
petite dépression juste sous le nez, sur votre lèvre supérieure ?
    La reine secoua la tête.
    — Ce n’est pas de moi, mais de l’un de nos
grands maîtres, Platon. Quand l’enfant sort du ventre de sa mère, il possède la
Connaissance, mais un ange se penche vers lui, presse un doigt sur sa bouche et
dit : « Chut ! » L’enfant garde la marque de l’ange, mais
oublie tout.
    — C’est un bien vilain ange, grogna-t-elle.
    — C’est ce difficile chemin solitaire que
nous avons à gravir afin de retrouver ce que nous avons perdu. Quel mérite
aurions-nous à chercher l’illumination si tout nous est donné par avance ?
    La reine se leva. Elle avait séché ses larmes, et
son regard sombre exprimait de nouveau la fureur.
    — À vous entendre, Dieu est jaloux ! Dieu
n’a pas créé l’homme à Son image, certes non, Il s’amuse trop à faire de Ses
créatures des êtres inférieurs, imparfaits, ignorants, et Il se plaît à les
laisser le prier, supplier, souffrir, comme il vous plaît de me laisser vous
prier et vous supplier, et laisser souffrir le roi ! Il se fait tard, messire
Flamel, une seule et dernière question : possédez-vous l’Élixir parfait ?
    — Ceux qui l’ont se tairont, ceux qui ne l’ont
pas s’en vanteront !
    — Encore votre art de l’esquive, rétorqua-t-elle
avec humeur. Rentrons, frère Jean !
    Déjà elle s’éloignait. Nicolas se leva et lui cria :
    — Il n’y a que l’âme, madame, qui puisse se
régénérer ! Il n’y a que l’âme qui soit immortelle. Ceux qui prétendent le
contraire sont des menteurs !
    Isabelle se mit à courir. Jean la Grâce renonça à
la poursuivre, il soupira en levant ses mains en signe d’impuissance. Nicolas
remarqua qu’il gardait sur les paumes les stigmates des brûlures de la poix
vive, quand il avait tenté d’éteindre un sauvage

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