Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
Vom Netzwerk:
d’une simple nappe.
    — Laissons-la, dit frère Jean, son espérance
était grande, sa déception est plus grande encore. La reine est la femme la
plus entêtée que je connaisse. Elle ne vous lâchera pas, maître Flamel.
    — Je sais, sourit ce dernier.

17
L’heure éblouissante
    Le quartier des juifs fut pillé d’une quarantaine de maisons
remplies de meubles précieux et de toute espèce de marchandises, et objets de
valeur mis en gage par des emprunteurs. Certains de ceux-ci en profitèrent pour
retirer les promesses ou reconnaissances qu’ils avaient souscrites. Plusieurs
de ces juifs furent massacrés chez eux, d’autres parvinrent à se sauver et à
gagner le Châtelet, où ils demandèrent à être enfermés pour se trouver en
sûreté. On leur enleva leurs enfants que l’on fit baptiser à Notre-Dame.
    L’Histoire de Paris [70]
    Elle hurlait, appelait, tirant obstinément sur la
chaîne de la cloche du monumental portail qui s’ouvrait sur le quai des
Célestins. Elle s’était pourtant montrée, capuche rabattue, aux grilles de la
porte qui s’incrustait dans le renfoncement de la barbacane de la muraille d’enceinte
qui fermait l’Hôtel. Les gardes refusaient de la laisser entrer. Certes, cette
femme ressemblait à la reine, mais jamais la reine ne se montrerait en si
petits atours, hors d’elle-même, et sans escorte. Ils n’étaient pas tombés de
la dernière pluie. Isabelle les entendait rire de l’autre côté, se gaussant d’elle.
Jamais elle ne s’était sentie aussi abandonnée, si démunie, perdue. Le soleil
était à son coucher, allait-elle rester seule dans les rues en pleine nuit, dans
ce quartier de coupe-gorge ? Elle se retournait sans cesse pour voir si
Jean la Grâce se décidait à la rejoindre ; son confesseur était un
familier des gardes car il passait souvent, et certains se confessaient à lui. Ils
l’avaient salué à leur sortie, sans prêter attention à la femme encapuchonnée
et à l’homme qui l’accompagnaient, un couple de petits-bourgeois sans
importance. Elle hésitait à retourner, elle prenait conscience de son
imprudence en s’aventurant ainsi sans escorte.
    Soudain les rires cessèrent, et une voix coléreuse
lança : « Vous ne reconnaissez pas votre reine, manants ? Ouvrez
ou je vous ferai bastonner ! »
    C’était la voix du duc d’Orléans. Les battements
du cœur d’Isabelle s’emballèrent. La grille de la barbacane s’ouvrit enfin. Elle
la franchit en courant, sans prêter attention aux gardes qui tombaient à genoux,
elle ne voyait que lui. Il venait de la sauver de l’humiliation et de la peur, et
elle le voyait tel qu’il était, jeune, beau et bien découplé, planté dans ses
heuses avec cette autorité naturelle aux Valois. Il était moulé dans un
justaucorps de velours bleu nuit, ses cheveux châtains moussaient autour de son
visage avenant, aux traits fermes, sous un chaperon à plumes. Elle se jeta dans
les bras de son beau-frère.
    — Gentil frère, gentil frère, te voilà enfin
revenu ! balbutia-t-elle dans son cou.
    Louis était abasourdi, il avait reconnu les cris d’Isabelle
alors qu’il venait de se faire annoncer à l’hôtel de la Pissotte, mais il n’avait
pas été introduit, et il lui avait été répondu que nul ne savait où la reine se
trouvait. Il avait pensé plutôt qu’elle ne voulait pas le recevoir, pourtant il
venait, à sa demande, présenter ses regrets pour son absence au Conseil
restreint. Il avait décidé de s’en consoler chez son trésorier Poulain, d’une
pinte de vin, et avec ses dames, à la Croix-du-Trahoir non loin du port
Saint-Paul, et il s’apprêtait à quitter l’Hôtel par la sortie de Seine.
    Isabelle s’accrochait à son cou comme une
naufragée. Il fut tenté de la serrer contre lui, une chaleur ineffable
envahissait déjà son ventre. Jamais encore elle ne l’avait étreint avec une
telle force.
    — Viens, lui souffla-t-il à l’oreille, on
nous regarde.
    Il la prit par la main et l’entraîna dans une
allée bordée de buissons de roses, aux feuilles rongées par la rouille de l’automne.
La sente menait à un boqueteau qui dérobait aux regards une tonnelle couverte d’une
vigne vierge aux couleurs flamboyantes.
    Isabelle ne lui laissa pas de répit, à peine à l’abri,
elle lui prit le visage entre ses mains et l’embrassa à pleine bouche, affamée
d’amour. Louis essaya de se dégager.
    — Cesse, murmura-t-il, ou je vais te

Weitere Kostenlose Bücher