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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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connaissais pas, je
dirais que tu as un coquin.
    Elle éclata de rire.
    Isabelle dormit cette nuit-là d’un sommeil de
plomb. Quand ses chambrières vinrent la réveiller pour les prières des laudes, il
lui sembla qu’elle venait juste de s’endormir. Elle prit machinalement la
touaille dans le bassin d’eau tiède qu’on lui tendait, se la passa sur le
visage, les mains et les avant-bras, reconnut la senteur légère de son parfum à
la violette. Elle se laissa habiller et conduire à sa chapelle privée pour
suivre la messe. Elle ne sortait pas de sa torpeur, refusant l’éveil.
    Elle frissonna alors qu’elle s’agenouillait sur
son prie-Dieu, face à l’autel, face au grand crucifix. Elle leva les yeux vers
le Christ de douleur, et une culpabilité terrible déferla alors en elle. Qu’avait-elle
fait ? Elle frémit de l’accouplement sauvage avec son beau-frère, qui lui
revenait à l’esprit avec une crudité horrible. Pourtant, ses entrailles se
convulsèrent, mémoire de sa jouissance renouvelée. Son ventre impudique, qui ne
connaissait pas le remords, se mouillait. Elle enfouit de honte son visage
entre ses mains. Elle était sous le regard du Seigneur, il la voyait telle qu’elle
était, une fille folle de son corps, une fille des rues, une fille de rien, pécheresse,
adultère et incestueuse. Une femme qui s’était damnée.
    L’heure éblouissante s’éteignit, engloutie dans les
abysses de sa culpabilité.
    *
    Durant les jours qui suivirent, elle évita Louis d’Orléans.
Ce dernier avait mal dormi après leur étreinte. Il ne pensait qu’à elle, la
voulait nue entre ses bras, pour dormir ensemble dans un grand lit et faire l’amour
en toute liberté, en dépit de son épouse et de son étrange revirement. Deux
jours après le Bal des Ardents, alors qu’il s’était résolu à rejoindre ses
pénates, prêt à subir les foudres de sa femme, elle l’avait accueilli sans
récriminations, puis, avec une grande compassion, elle avait soigné elle-même
sa main toujours à vif. Elle n’était pas en négligé en son intimité, comme à
son habitude, mais délicieusement apprêtée. Elle lui avait fait servir du vin, puis
l’avait déshabillé elle-même, lentement, amoureusement. Quand il fut nu, elle
avait effleuré tout son corps, des lèvres et des paumes, comme on touche la
statue d’une idole pour en prendre possession. Enfin, elle s’était agenouillée
devant lui, humblement, pour le prendre dans sa bouche. Jamais elle ne lui
avait prodigué une telle caresse, elle aimait se faire violenter, sans se
préoccuper du plaisir de l’autre. Il s’était tendu dans la tiédeur humide de sa
gorge, prêt à livrer sa semence sous la succion. Elle avait alors cessé et l’avait
entraîné vers le lit.
    — Attends-moi, lui avait-elle dit en se
déshabillant avec lenteur, sans le quitter des yeux. C’est moi qui vais te
faire un fils.
    Et elle l’avait chevauché.
    Il mit ce nouveau comportement sur le compte de sa
blessure. Certes, il ne pouvait l’empoigner comme elle le désirait. Mais, lorsqu’il
ne resta de sa brûlure qu’une vilaine cicatrice rouge, elle garda le même souci
de lui, fut douce, excitante, attentive à son plaisir. « Les femmes, s’était-il
dit, restent un mystère. Contrairement à ce que croient les hommes, ils s’abusent,
les femmes sont impénétrables. » Et il avait ri de sa boutade, amer et
frustré.
    Capucine était ravi de voir les époux réconciliés.
Louis ne négligeait plus sa femme, qui s’épanouissait, plus belle que jamais.
    Isabelle, de son côté, n’en pouvait plus. Elle s’était
confiée à Jean la Grâce qui n’avait pas manqué de l’absoudre comme de coutume, mais
elle ne se pardonnait pas sa transgression, il fallait que le Diable l’ait
possédée. Il la possédait toujours, elle était éprise de son beau-frère et le
désirait charnellement.
    — Tu lui dois une explication, lui avait dit
frère Jean. Tu ne peux l’éviter toute ta vie.
    Elle le reçut dans son petit retrait – quoi
de plus naturel que d’accueillir son beau-frère ? Quand elle le vit, elle
ressentit un déchirement insupportable qui la jeta dans ses bras. Ils s’étreignirent
à en perdre le souffle.
    — Non, lui dit-elle enfin en se dégageant. Dieu
nous voit. Nous serons maudits. Offrons notre sacrifice à la guérison du roi, comme
j’ai sacrifié ma fille Marie.
    Il comprit son dilemme, et n’insista pas.
    — Je t’ai attendue

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