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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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sourit-il dans sa barbe sale. Je
me confesserai donc d’avoir fait la dernière bonne action de ma misérable vie. Reinette,
reprit-il avec son sérieux, affichant le masque de sa douleur, Orléans a la tête
chaude des Valois, veille à ce qu’il n’affronte pas la maison de Bourgogne,
il n’en sortirait rien de bon, ni pour lui, ni pour toi, ni pour le royaume. N’oublie
pas cette dernière volonté, sois vigilante, souffla-t-il d’un ton si exténué qu’elle
eut du mal à l’entendre. Et ne m’oublie pas dans tes prières, ma douce et jolie
reine. Bientôt je ne souffrirai plus.
    Isabelle éclata à nouveau en sanglots et s’enfuit.
    Le lendemain, Jean la Grâce, qui ne pouvait
marcher, fut hissé sur le bûcher, lié au poteau de l’ignominie, embronché d’une
cagoule, avec un panneau sur la poitrine : apostat. Isabelle avait fait
payer le bourreau, qui l’étrangla, dérobé aux regards par les premières fumées
alors que ses aides mettaient le feu. Il y avait foule en place de Grève, et
Pierre de Foissy dansa devant les flammes, ainsi qu’il l’avait dit au soir
du Bal des Ardents.
    La nuit de l’exécution de Jean la Grâce, Pierre de Foissy,
aumônier du roi, fut retrouvé dans une ruelle, la gorge tranchée d’une oreille
à l’autre.
    Et, trois jours trop tard, le roi revint en santé.
Cela devenait une habitude qu’il reprenne les affaires où il les avait laissées,
et il fut fort marri des événements en son absence : l’exécution du
confesseur de la reine et l’assassinat du sien. Si Jean la Grâce relevait du
tribunal ecclésiastique, le crime était l’affaire de la justice du roi. Il
diligenta une enquête dans le quartier de la place de Grève où l’on avait
retrouvé le corps. Il s’avéra que le prude Pierre de Foissy avait été vu
dans un bordeau, rue de la Commanderesse, se soûlant en compagnie de deux
hommes, levant son verre à la santé de Jean la Grâce, se vantant de l’avoir
fait harder. L’un des hommes était un colosse au large visage grêlé, l’autre, de
belle taille mais plus petit, était un chevalier au regard sombre et dérangeant.
L’enquête s’arrêta là, l’esprit du roi sombra de nouveau dans les ténèbres.
    Isabelle resta dans l’ignorance de ces
informations. Elle aurait sans nul doute reconnu Pascal le Peineux et le sire de Bois-Bourdon,
sire de Graville, sénéchal du Berry.
    Son beau-frère était absent, ce qui lui donna
grand soulagement à ses désirs, et à languir de le voir si distant.
Charles VI avait envoyé une très noble ambassade à Benoît XIII, en
les personnes des seigneurs de Bourgogne et de Berry, et de doctes
maîtres de l’Université. Orléans avait demandé à en être, Pierre de Luna
était son ami.
    Le séjour à Avignon fut long. Et les querelles
entre les trois princes des Lys fréquentes. Louis se faisait fort de déposer le
pape de Rome en levant une armée avec son beau-père, Jean-Galéas Visconti.
« Il n’est pas besoin d’aller si loin, discutons avec Benoît d’abord, puisqu’il
a proposé d’abandonner la tiare s’il le fallait », lui répondit Bourgogne.
Berry était de son côté, sa source de revenus s’était tarie avec la mort de
Clément, et le nouveau pape tenait les cordons de sa bourse serrés.
Benoît XIII profitait de leurs dissensions et faisait lanterner les
négociations. Pape, il avait le grand art de tout embrouiller, de répondre à
côté et de remettre toujours au lendemain.
    L’ambassade du roi de France n’était pas logée au
Palais des Papes, mais sur la rive opposée du Rhône, à Villeneuve-lès-Avignon. Pour
en finir, Benoît fit brûler le pont. La traversée en bateau était lente et
dangereuse. L’ambassade, lassée de ses vains efforts, rentra à Paris. Les
princes et les éminents docteurs rentrèrent très courroucés. Louis était amer, le
pape Benoît n’était plus Pierre de Luna.
    À leur retour, le roi était empêché. Le régent
Orléans avait fort à faire et ne savait plus où donner de la gueule, contrarié
sans cesse dans ses ambitions par son oncle Bourgogne. En mars, les nobles
Génois, qui avaient obligé leur dernier doge à abdiquer, lui avaient fait
parvenir un courrier lui proposant la seigneurie de leur ville et sa protection
contre les prétentions de Visconti qui poursuivait sa conquête de l’Italie. Ce
dernier venait d’acheter le titre de duché pour sa seigneurie de Milan, cent
mille florins or, à

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