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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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faisait fi. Ses cheveux
sombres, tressés de perles et ramassés en une savante composition, étaient sa
seule parure de tête. Pour elle, pas d’embarrassants escoffions à cornes dont
se paraient les dames. Isabelle, voyant ces dernières outrées par les propos de
l’Aragonaise, changea de sujet.
    — Nous conterez-vous, madame, le prodige dont
vous m’avez déjà ravie ?
    La jeune duchesse d’Anjou, qui paraissait enfin
rassasiée, prit le temps de laver ses mains à l’aiguière d’une chambrière.
    — Volontiers, madame la reine. Il est vrai
que ce fut effectivement grand prodige. C’était alors que j’étais au château d’Angers,
commença-t-elle d’une voix soudain veloutée. (Elle savait se rendre enjôleuse
quand elle le voulait, songea Isabelle.) Je fis un jour une promenade en campagne
avec mes chiens épagneuls. Ceux-ci débusquèrent un conin qui jaillit d’un
buisson et qui, loin de fuir, vint se réfugier dans mon giron. Il me laissa le
prendre et caresser, oubliant son caractère sauvage, et il ne voulait plus me
quitter. Trouvant le fait étrange, j’ai demandé à mes gens de fouiller et
creuser le buisson d’où le lièvre était sorti. Ils trouvèrent une petite voûte
de pierres enterrée, où se trouvait une statuette à l’image de la Vierge Marie
tenant l’Enfant dans ses bras. Depuis, j’y ai fait construire un oratoire où
maints miracles se sont déjà produits.
    Les dames s’esclaffèrent et applaudirent. C’était
une histoire dont elles raffolaient, bien plus que des brayettes des chevaliers.
    À la suite de ce petit souper, la reine et la duchesse
se lièrent de bonne amitié. Elles conversaient souvent de l’alliance du duc d’Anjou
avec le frère du roi, qui tous deux étaient occupés à rassembler leurs gens
pour leur campagne d’Italie. Yolande avait convaincu son père, le roi d’Aragon,
d’unir un contingent aux forces des princes.
    — Bien que je ne croie guère à cette campagne,
soupira-t-elle, alors qu’elles devisaient ensemble. Louis d’Anjou, mon époux, veut
à tout prix reconquérir son royaume de Naples, alors que feu mon beau-père y a
laissé sa vie. Il a l’entêtement de sa faiblesse, et sa mère le gouverne. Mais
mon heure viendra. Je lui ai conseillé malgré tout qu’il vaudrait mieux d’abord
consolider sa position de comte de Provence, car ses sujets s’agitent sans
cesse contre lui.
    Yolande d’Aragon avait bien une tête politique, et
il allait falloir compter avec elle, à l’avenir.
    Il est vrai qu’Anjou espérait reconquérir Naples
et la Sicile. Orléans avait secrètement dans l’idée de se rendre d’abord en
Avignon, d’emmener son ami Pierre de Luna au-delà des Alpes et de mettre
par la force des armes Benoît XIII sur le trône papal de Rome. Ce qui lui
vaudrait les terres pontificales d’Italie.
    Bourgogne avait évidemment protesté devant le
Grand Conseil, et il y eut de rudes paroles. Cette expédition italienne
comportait le grand risque d’indisposer les Anglais.
    — Je vois bien, mon neveu, combien notre
pacte juré est abusé !
    — En quoi je l’abuse ? rétorqua Orléans.
Je ne vous attaque point, mon oncle, et ne porte la guerre ni à vous ni sur les
terres royales.
    — Porter la guerre en Italie, c’est la porter
en ce royaume ! avait-il tonné. Henri IV de Lancastre pourrait, avec
juste raison, craindre pour son pape de Rome et rompre la trêve ! Alors ce
serait la haute guerre.
    Le Grand Conseil en convint encore.
    — Je ne veux pour ma part, mentit Orléans, qu’apporter
le soutien à mes frères milanais, comme je le dois en toute fraternité.
    — Et pour ma part, surenchérit Louis d’Anjou,
je ne veux que reconquérir ma couronne de Naples et de Sicile, que M gr  de
France est si dolent à me rendre.
    C’était une attaque directe contre le roi, qui ne
protesta aucunement. Il suivait les débats avec un sourire ébahi et baveux, sans
rien comprendre à ce qui se passait.
    Alors que Bourgogne allait s’indigner de l’arrogance
du duc d’Anjou, un de ses conseillers le tira par sa manche et lui glissa à l’oreille :
    — Que ne laissez-vous faire vos neveux, mon
prince ? Orléans vous propose de vous laisser le champ libre à Paris.
    Philippe le Hardi jeta un coup d’œil au roi, affalé
dans son trône et n’ayant plus aucun entendement.
    — Vous avez raison, messire, chuchota-t-il à
son tour en se rasseyant. Et je gage qu’ils n’iront pas très

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