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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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servaient d’oreillers et de dossiers.
Ozanne avait sur ses genoux la petite Michelle, qui avait cinq ans. Frère
Agreste jouait avec Nicolette aux osselets d’ivoire, et la reine remarqua que
leurs doigts et leurs mains se touchaient et se caressaient plus que le jeu ne
le nécessitait.
    — Bourgogne veut aussi des mariages entre ses
petits-enfants et les enfants de France.
    — C’est une cousinade, honorée dame, dit-il.
    Il lança un osselet que Nicolette rattrapa alors
qu’il allait le retenir sur le dos de sa dextre. Ils restèrent à se tenir la
main, la demoiselle de Cholet avait les yeux qui brillaient.
    — Certes, ils sont cousins germains, renchérit
la reine en les observant, il faut une dispense papale, mais ni moi ni Philippe
le Hardi ne voulons la demander à cet antipape Benoît XIII d’Avignon,
pas plus qu’à celui de Rome.
    Pierre aux Bœufs rompit le jeu avec Nicolette et
se tourna vers la reine.
    — Il y aurait un moyen, madame, ces alliances
pourraient apaiser les conflits. Puisque messire d’Orléans s’en va pour le Midi,
ne pourrait-il vous obtenir ces dispenses de son ami, le pape Pierre de Luna ?
Ainsi, tout le monde y trouverait son compte.
    — Encore faudrait-il qu’il ne s’en aille
point guerroyer trop longtemps en Italie.
    — Il n’ira point, je le sais.
    — Et pourquoi, frère le voyant ?
    — Justement, parce que je ne l’y vois pas.
    Plus Isabelle réfléchissait, plus l’idée lui
semblait bonne. Nicolette, qui ne tenait plus aux accents du branle, courut se
joindre à la danse, suivie des yeux avides de frère Agreste.
    — Vous n’êtes pas le seul à voir, messire aux
Bœufs.
    Ce dernier sursauta, se tourna vers la reine et
blêmit.
    — Cela se voit-il tant ? se rendit le
confesseur.
    — Cela se voit trop. Renoncez. Si vous ne le
faites pour vous, faites-le pour elle.
    — Je crois à la puissance de l’Esprit, Votre
Majesté. Et je crois en celle de Dame Nature. La foudre n’est-elle pas tombée
sur votre Hôtel, brûlant vos rideaux ? Par bonheur, vous n’étiez point là,
mais vous en avez eu grande terreur. Qui peut résister à la foudre quand elle
vous consume tout le corps ?
    — Vous avez fait vœu de chasteté, frère
Agreste.
    — Il est trop tard, honorée dame. Je n’étais
point comme vous hors de la chambre, dame Providence ne m’a pas gardé de la
foudre.
    Qui était Isabelle pour juger les amants ? Elle
savait combien les corps amoureux avaient d’irrésistibles exigences, et combien
elle y avait cédé. Et les cours pontificales affichaient leurs exemples
désastreux. Jean la Grâce les aurait absous de leur amour sans aucun doute. Mais
elle redoutait que leurs imprudences entraînent un scandale qui les détruirait,
et qui l’éclabousserait de même.
    *
    L’armée du duc d’Orléans et du duc d’Anjou partit
pour la Provence en octobre 1403. Louis vint faire ses adieux à Isabelle
en son hôtel de Barbette. Elle lui réclama alors les dispenses, et son amant
les lui promit. Ils se quittèrent en larmes, comme s’ils devaient ne jamais se
revoir.
    Pourtant, en janvier 1404, Orléans était de
retour, il n’avait pas été plus loin qu’Avignon, mais il revenait avec les
dispenses de mariage. Bourgogne lui en sut gré, la perspective de ces alliances
familiales les avait apaisés. Pour combien de temps ?
    Au cours d’un Grand Conseil, trois promesses de
mariage furent conclues : le dauphin Louis de Guyenne épouserait la
petite-fille de Philippe le Hardi, Marguerite de Bourgogne ; Michelle
de France épouserait le fils aîné de Jean de Nevers ; et
Isabelle d’Angleterre épouserait Charles, l’aîné d’Orléans. Le duc de Bourgogne
donna un brillant festin au Louvre pour fêter cette triple alliance.
    Et pourtant, quelques jours plus tard, Orléans
extorqua à son frère la promesse écrite que le dauphin Louis épouserait sa
fille plutôt qu’une fille de Bourgogne, il en tenait pour la couronne. Une
fille qu’il espérait, mais qui n’était pas née. Et les chamailleries reprirent.
La réplique du Hardi fut foudroyante, il réunit le Conseil et fit révoquer cet
écrit royal. Puis il fiança immédiatement Marguerite de Bourgogne et Louis
de Guyenne. Isabelle était elle aussi outrée, car elle avait signé,
« Nous reine, en parole de reine ». Elle prit la petite dauphine dans
sa mesnie, auprès de son fils Louis. Revenu à quelques lueurs de santé,
Charles VI reprocha à

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