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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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nom.
    Il était complies passées. Les sonneries de Paris
se faisaient entendre, annonçant le couvre-feu. La nuit était tombée.
    La salle fourmillait de laquais affairés plus que
de convives. Au fond de la galerie, sur le balcon en encorbellement, quelques
musiciens grattaient leur viole, soufflaient dans leur chalumeau. La musique
était douce et apaisante.
    Les souverains furent annoncés à son de trompe.
Charles VI, la main de chacune des deux femmes qui l’encadraient sur ses
poings, fit son entrée, le visage épanoui. Il était d’usage que les souverains
arrivent en dernier, mais Charles trépignait tant d’impatience qu’il fit cette
nouvelle entorse au cérémonial. Ce n’était qu’un petit souper.
    Les Marmousets, hommes de gouvernement, étaient
les premiers arrivants. Jean de Montaigu inclina sa courte taille engoncée
dans sa riche houppelande, ainsi que Bureau de la Rivière, de plus
haute stature, les cheveux taillés droit sur les épaules, le regard altier dans
un visage coupé au couteau. Enfin, l’érudit Philippe de Mézières, magnifique
de présence avec sacrinière et sa barbe blanche de
vieillard vénérable, donna au roi et à la reine l’accolade : conseiller
intime de Charles qu’il avait connu enfant, et précepteur d’Isabelle, son grand
âge lui permettait cette familiarité en comité restreint.
    La lumière était douce, dispensée par les torches
murales, les candélabres à plusieurs chandelles disposés sur les tables et les
dressoirs, et le grand feu de la cheminée. Isabelle reconnut, parmi sa
vaisselle, les plates d’étain, blasonnées aux fuselés d’azur de Bavière et aux
trois fleurs de lys, et gravées à sa devise : « À jamais. »
    Elle tressaillit lorsque le duc et la duchesse d’Orléans
furent annoncés, mais plus encore quand elle entendit le nom du sire de Craon,
seigneur de Sablé. Outre qu’elle détestait ce baron breton, elle songea
avec appréhension qu’il était des gens que l’on n’accordait pas en une si
petite réunion.
    Le roi se précipita vers son frère et le tint
embrassé.
    — Pardonne-moi, dit enfin Louis quand le roi
le lâcha, mais mon ami de Craon était de visite, et je n’ai pas eu le cœur à le
laisser derrière nous.
    Le Breton s’inclina.
    — Vous avez bien fait, mon frère, soyez le
bienvenu, messire, dit le roi avec une jovialité distraite. Tu m’as méchamment
battu à cette course, gredin, s’adressa-t-il de nouveau au jeune duc, mais tu
as joué trop finement pour que je t’en tienne rigueur. Monsieur de Montaigu,
lança-t-il à son grand argentier, veuillez compter à monseigneur d’Orléans les
cinq mille livres du pari.
    Jean de Montaigu s’inclina, son visage glabre,
aux rondeurs parcheminées sous son chaperon de feutre, resta imperturbable. Isabelle
ne fut pas abusée, le trésorier déplorait les dépenses inconsidérées du roi.
    Louis d’Orléans vint alors saluer la reine, c’était
le moment qu’elle redoutait, mais il avait un sourire railleur quand il lui
baisa la paume de la main comme il aimait à le faire, tout en l’entraînant à l’écart.
    — Pourquoi ? lui demanda-t-il, toujours
goguenard.
    Il parlait de la gifle, comme si ce geste
grandement insultant n’était qu’une galéjade. Elle jeta un coup d’œil à son
époux qui serrait affectueusement Valentine contre lui, et nota qu’elle était
trop armoriée de bijoux pour un souper intime, et qu’elle abusait du blanc de
céruse [33] dommageable pour la peau, comme l’en avait avertie Ozanne. Tant mieux, elle
aurait avec le temps de vilaines excoriations sur le visage.
    — Parce que tu as triché, éluda-t-elle, mentant
à Louis, car alors elle n’en savait rien.
    — Mon frère ne semble pas m’en tenir rigueur,
et vient même de m’en féliciter.
    Le sire de Craon se dirigeait vers eux pour
saluer à son tour la souveraine, il murmura alors en lui lâchant la main :
    — Je reste l’offensé, tu me dois gage à ma
convenance, sœurette, en réparation.
    Puis, se tournant vers son favori, il justifia sa
présence, comme il l’avait déjà fait avec le roi. Coupant court aux compliments
redondants du Breton, Isabelle lui tourna le dos, sans autres formes de
courtoisie, pour se porter vers son chapelain : Jean la Grâce faisait son
entrée, à sa façon, tonitruante.
    — Que Dieu bénisse cette assemblée, et je
vous salue tous sans plus de salamalecs. Sire mon roi, heureux de vous

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