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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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cassure pour Isabelle, femme-enfant, violée aussi.
Cette brisure commune les avait rapprochés, puis unis. Et c’était dans ses bras
qu’elle avait appris les douceurs de l’amour charnel, et l’ivresse de l’ardeur
du désir.
    Mais aujourd’hui, s’il avait une conscience, il
devait protéger la reine en dépit d’elle, en dépit de leur passion. Et pourtant
une envie impérieuse le prit de serrer Isabelle qu’il n’avait pas tenue dans
ses bras depuis dix jours. Rien, cette nuit, ne saurait l’empêcher de l’avoir
en sa possession.
    *
    Dans la galerie aux Courges, le roi et la reine
tenaient le haut bout de la table. Charles mâchonnait distraitement un angelot,
petit fromage normand sec comme de la craie. Il restait absent du débat de son
Conseil. Après le bénédicité récité par Jean la Grâce, il avait fait l’annonce
solennelle de la sainte mission qu’il tenait de Dieu Lui-même, de libérer le
tombeau du Christ à la force de sa foi et de toutes les armées d’Occident. Les
convives accueillirent la nouvelle avec un enthousiasme réservé et dubitatif, hormis
le duc d’Orléans et son favori le sire de Craon qui manifestèrent sans
réserve leur approbation.
    Et depuis, la conversation roulait sur l’opportunité
de la Grande Croisade de Charles VI. Isabelle ne prêtait pas plus d’attention
aux débats que son époux, elle chipotait son pignolat, un massepain fait d’amandes,
de pistaches, et de pignons de pin, tout en observant à loisir les convives. Ozanne,
placée à la gauche du roi à l’équerre des tables, mangeait en silence, elle ne
parlait jamais en de telles circonstances, sauf à lui adresser la parole. Se
sentant observée, elle releva la tête et sourit à la reine. Sur sa droite, pareillement
sur la table d’équerre, s’agitait le duc d’Orléans pris dans le feu des pourparlers ;
entre ce dernier et le sire de Sablé, Valentine Visconti faisait vilaine
figure, et semblait s’ennuyer. Depuis le début, Isabelle l’avait vu lancer des
œillades au roi, cherchant en vain les soins auxquels il l’avait habituée
depuis ses épousailles. Mais Charles était ailleurs, ne se préoccupant pas plus
de sa belle-sœur que des autres personnes.
    Louis la fit sursauter alors qu’il se dressait à
moitié sur son siège :
    — Pas prêts ? Que voulez-vous nous faire
entendre, monsieur de Mézières, lança-t-il avec indignation, que nous n’en
sommes pas dignes ?
    — Je maintiens simplement, répondit l’interpellé
avec calme, comme je viens de vous le dire en dépit que j’en aie, nous ne
sommes pas prêts.
    — Pas prêts ! répéta Louis d’Orléans
comme s’il n’en croyait pas ses oreilles.
    Isabelle, la main sur son avant-bras, l’invitait à
se rasseoir. Il obéit machinalement, et se figea dans l’arrogance de sa caste
avant de lancer de toute sa morgue :
    — Ne tenez-vous pour rien, monsieur, la
puissance de l’ost du roi de France, sous la bannière sacrée de Saint-Denis ?
    Et il empoigna sa timbale de vin dont il but une
longue rasade.
    — Certes non, dit le ministre, mais l’esprit
des premiers croisés, soldats de Dieu, est mort !
    Le jeune prince eut un hoquet d’indignation qui
faillit lui faire recracher son vin. Il est vrai qu’une telle réserve de la
part de Philippe de Mézières était surprenante.
    — N’est-ce point vous, intervint la reine, qui,
après avoir visité les Lieux saints en votre jeunesse, n’avez plus cessé de
caresser le rêve de la reconquête du royaume de Jérusalem, et qui militez sans relâche
sur les nécessités d’une nouvelle croisade ?
    — Vous dites vrai, madame, répondit l’homme
de sciences, mais où est en ce jour Pierre l’Ermite, ce saint moine qui
galvanisa de ses prédications tous les souverains d’Occident comme le petit
peuple ? Quel grand chevalier possède l’âme dépouillée de Godefroy de Bouillon
qui refusa d’être roi de Jérusalem ? Souvenez-vous des nobles paroles de
ce prince : « Je ne porterai pas une couronne d’or, là où le
Christ porta une couronne d’épines. »
    — Et sur quel trône pontifical
trouverons-nous un autre Urbain II qui prêcha la première croisade [35]  ?
surenchérit Jean la Grâce. Quand le pape d’Avignon tire à hue, celui de Rome
tire à dia.
    — Certes, un souverain pontife capable de
sublimer la foi de nos chevaliers à l’égal de celle des martyrs, confirma
Mézières.
    — Comme vous y allez, gloussa

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