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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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bauge, tu m’achetas au bailli de Paris. En ce jour béni, j’ai senti Sa
lumière ; j’ai pleuré, je savais pas que je savais pleurer. Tu m’as sauvé
du supplice, de l’enfer. J’avais pas peur de l’enfer, j’y étais de naissance, trouvé
nu sur un tas d’ordures, encore souillé du sang de ma pauvre mère, un soir de
veillée pascale ; et les putains qui m’ont trouvé m’appelèrent Pascal.
    « J’ai jamais quitté mon fumier où j’ai
poussé… bon pour la mauvaise graine le fumier, et j’ai tant poussé que la
misère m’appela l’Ogre. Tu es venu… et j’ai eu Sa révélation, moi, le larron, l’impie.
Et c’est toi qui m’assistas encore quand je me fis baptiser, et que je fis vœu
de faire Carême chaque jour de ma vie, jusqu’à mon dernier souffle. Alors l’Ogre
est devenu Pascal le Peineux, parce que j’ai jamais dérogé à ma peine, jamais. Et
j’ai pareillement fait vœu de coller à mon sauveur comme son ombre, assura-t-il
d’une voix âpre. Je te dois pas une vie, je te dois la vie. Alors, ma
vie, elle est pas à moi, elle est à Dieu, et à toi, son intermédiaire. Chasse-moi
si tu veux, je te suivrai quand même, comme ton chien, un chien enragé à te
défendre jusqu’à la mort. Je ne retournerai pas à la larronaille.
    — C’est pourtant la larronaille qui me sauve
aujourd’hui. Et sans toi, le Peineux, j’aurais succombé sous le nombre, répliqua
Bois-Bourdon.
    Lors de la rixe de la rue des Écrivains, Pascal le
Peineux avait été reconnu par certains des assaillants : il avait été des
leurs, la misère n’oubliait pas les siens. Ils avaient alors averti Pascal le
Peineux qu’un grand seigneur breton les avait payés grassement pour faire tuer
le seigneur de Graville, capitaine de la garde personnelle de la reine. Ainsi,
cet hiver, ils s’étaient relayés à surveiller les sorties du chevalier hors de
la résidence royale où ils ne pouvaient l’atteindre. Le matin de l’attaque, ils
s’étaient avisés que l’homme pointé était protégé par celui qu’ils appelaient
naguère l’Ogre, cela suffisait pour rendre leur cible intouchable. Le sénéchal
du Berry avait reconnu sans peine Craon dans le seigneur breton, commanditaire
de cette agression, qui avait mis Isabelle en grand péril.
    — Il est de retour, il soupe chez le roi, dit
encore Pascal le Peineux. Un mot de toi, et je le brise en deux, comme branche
pourrie.
    — Laisse, le Peineux, cette fois je n’aurai
pas les moyens de te racheter au Bailli de Paris. Tu es un homme libre et je ne
te chasse pas. Va dormir maintenant, va. La branche pourrie tombera d’elle-même
à la prochaine tempête.
    La tempête était déjà présente, elle secouait de
sa rage Bois-Bourdon qui tremblait de fureur.
    Les deux hommes se donnèrent l’accolade, le
lieutenant sentit l’énorme tension de son maître.
    — Il est dans l’œil de la gueusaille
maintenant. Ils ne lâcheront pas, pour ta sûreté, lui dit-il en le quittant.
    Ainsi, le sire de Sablé avait commandité son
assassinat, songea le sire de Graville alors qu’il regardait la masse de
son homme de main se fondre dans la nuit. Ce félon s’était entremis avec la
crapule, mais la crapule a un code d’honneur, Craon ne pouvait pas le savoir, lui
qui en était totalement dépourvu. Certes, les deux hommes ne s’estimaient pas, mais
un crime ? Pourquoi ?… mais surtout pour qui ?
    Il n’entrait sûrement pas dans les vues du
seigneur breton de mettre la reine en péril. Il la voulait pour Louis d’Orléans,
il la voulait pour s’approcher plus encore du pouvoir. Et Craon savait, il
était trop fine mouche pour ne pas sentir l’amour là où il se trouvait. Et il n’avait
pas, sans doute, manqué de se poser la question : que faisait la jeune
souveraine seule avec son capitaine aux petites heures du matin, dans un
quartier chaud de la capitale ? Il en avait déduit à coup sûr qu’ils
sortaient de quelques bouges ou tavernes malfamées où, la nuit, dames et
damoiseaux aimaient à s’encanailler. Quelle preuve lui fallait-il de plus ?
    Craon savait ! Isabelle était en danger.
    Son Isabelle lui avait pulvérisé le cœur au
premier regard. Ce cœur, qu’il croyait de pierre, s’était mis à pulser à grands
coups dans sa poitrine, alors qu’il n’était plus que haine depuis que trois
grands seigneurs avaient forcé en riant le page innocent qu’il était alors. Il
avait treize ans. Même âge, même

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