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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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s’était arrêté, écoutant cet échange avec
étonnement, se demandant comment la reine connaissait ce monde. Isabelle n’avait
pas oublié l’alchimiste et son or. Satisfaite de cette confirmation, elle
adressa au roi son plus charmant sourire.
    — Mon doux sire, finissons-en au plus vite, afin
que votre secrétaire ait le bonheur de rejoindre au plus tôt sa charmante femme.
    Un peu éberlué, Charles vint s’asseoir près d’elle
sur l’escabelle. Et ensemble, comme deux bons bourgeois qui organisent leur
table, ils décidèrent des convives tandis qu’Étienne de Castel rédigeait
les missives sur des parchemins.
    Il leur fallait un homme de guerre, qui serait
tout naturellement le connétable Olivier de Clisson. Jean de Montaigu
et Bureau de la Rivière, les plus proches ministres du roi, seraient
les hommes de gouvernement. Philippe de Mézières, présentement précepteur
de la reine, serait celui de la sagesse. Pour l’homme d’Église, Charles
barguigna à convier son chapelain, l’irascible Pierre de Foissy, décidément
en défaveur, Isabelle proposa le sien, frère Jean à la truculence plaisante, et
qui l’avait assistée durant sa maladie.
    Il fallait bien aussi un représentant des princes
des Fleurs de lys. Le duc de Bourgogne couvait sa disgrâce on ne savait où.
Quant à Berry, il boudait en son hôtel de Nesle depuis que le roi l’avait
destitué de sa charge de gouverneur du Languedoc qu’il épuisait d’impôts, le
privant d’une sévère partie de ses revenus. Son collecteur général avait été
condamné au bûcher, pour la plus grande joie de la population spoliée. Il
fallait bien trouver un responsable à la ruine de ces malheureux, victimes de
la rapacité du Camus, on ne pouvait guère brûler un oncle du roi.
    Restait le duc d’Orléans. Charles, depuis son
retour à la vie, avait appris à la fois la victoire et la duperie de son frère
à cette course folle. Valentine Visconti ne s’était pas égarée en pensant que
Charles leur battait froid : l’âme chevaleresque du roi avait en horreur
la tricherie, même au jeu. Et l’on trichait beaucoup autour de lui à le laisser
gagner par déférence. Mais son frère, lui, avait osé. Cette dernière réflexion
emporta sa décision d’inviter le duc et la duchesse d’Orléans à ce souper. Charles
était d’humeur joviale, et il ne savait rester fâché très longtemps.
    Isabelle cacha sa mine déconfite, elle redoutait
la présence de son beau-frère depuis cette malencontreuse gifle qu’elle n’avait
su retenir. Elle craignait tout autant la présence de sa belle-sœur et cousine
qu’elle percevait comme une rivale acharnée.
    — Ce pardon n’est-il pas précipité ? tenta-t-elle.
    — Bah, ce n’était qu’un pari, et il ne serait
pas décent qu’ils ne soient de ce souper, cela ferait trop jaser.
    Charles n’aimait pas les ragots, et était vite
oublieux. Outre qu’il aimait son frère, il n’avait plus en tête que sa croisade,
les louanges qui encenseraient son règne, la représentation rénovée et
inaltérable du roi-chevalier qu’il laisserait dans l’Histoire, ce qui lui
faisait l’âme miséricordieuse.
    En ces circonstances fallacieuses, pour la
première fois le cadet avait précédé le roi, une première fêlure si ténue que
personne ne la vit. Ainsi qu’une paille invisible corrompt le bel acier d’une
lame, et risque de faire rompre l’épée au moindre heurt.
    Enfin, Charles voulut que les courriers soient
scellés de cire verte pour souligner à ses destinataires la solennité de l’invitation
à ce petit souper.
    Et, toujours comme de bons bourgeois qui donnaient
un dîner, Isabelle et Charles comptèrent leurs convives, ils seraient neuf. Comme
le roi trouvait qu’il manquait de belles dames pour enjoliver la tablée, il fut
convenu qu’Ozanne de Louvain serait de ce souper. Et de dix : Taillevent
serait satisfait.
    Ils furent onze, le sire de Craon, qui s’était
fait annoncer à l’hôtel de la Pute-y-Muse, s’invita également chez le roi, tandis
que Valentine, après une dernière étreinte, se faisait à nouveau atourner dans
la précipitation et la fébrilité.
    *
    Isabelle se faisait de même apprêter à l’hôtel de
la Pissotte.
    — Je ne sais ce que j’ai, dit la reine, j’ai
comme une boule dans la gorge qui m’étouffe.
    — La fatigue, sans doute, lui répondit
Catherine qui tressait les cheveux d’Isabelle. Les peurs de perdre ton

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