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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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revoir
si gaillard.
    Charles aimait la truculente rudesse du confesseur
de la reine, il n’eut pas le temps de répondre, car c’était au tour du non
moins formidable Olivier de Clisson de faire son entrée. Ce chevalier à la
redoutable stature, compagnon naguère du grand Du Guesclin, était redouté
pour la férocité de ses coups de hache sur les champs de bataille, où le
ricochet d’une mauvaise lance lui avait crevé un œil jadis, ce qui lui valait
son surnom : le Boucher borgne.
    Le roi et son connétable étaient liés par longue
et grande amitié, mais ce n’était pas le cas entre Clisson et Craon, tous deux
Bretons, qui se haïssaient mortellement de longue date. Il sembla que le
connétable ne vit que son ennemi parmi les invités. Son imposante personne
restait figée, comme l’était son visage barré d’un bandeau de cuir noir qui
dissimulait le trou béant de son orbite. Seul son œil valide s’écarquillait
devant son adversaire, tandis que ce dernier souriait de toutes ses larges
dents avec défi. Le silence tomba, chacun observant les deux belligérants.
    « Non, songea à nouveau Isabelle qui
observait aussi la scène, il y a des gens que l’on n’accorde pas. » Elle
regardait Craon avec une instinctive répulsion, il avait un visage long et
étroit, qui affichait sa sensualité par une bouche épaisse sur un menton fuyant.
    — Morbleu ! mon roi, gronda Clisson, je croyais
souper ce soir en bonne compagnie.
    Charles prit conscience que son frère, en imposant
le sire de Sablé, risquait de lui gâcher son plaisir. Il avait en horreur
les querelles, et cette situation fâcheuse l’irrita de nouveau contre Orléans. La
minuscule faille dans l’acier de leur fraternité commençait à s’élargir.
    — J’ai grand faim et il fait soif, clama Jean
la Grâce, quand allons-nous passer à table ?
    Par ses exclamations incongrues, le chapelain
était maître dans l’art de briser les tensions. Clisson se détendit et se
détourna de Craon, chacun se reprit à respirer.
    Comme s’il n’attendait que ce signal, Taillevent
fit une entrée souveraine, suivi d’une suite de marmitons. Sur la poitrine de
son tablier de cuir, il arborait en incrustation son blason à trois marmites, bordé
de six roses. Il salua le roi et les convives, alors que ses queues
garnissaient les tables de petits pâtés raffinés et de sucreries propres à
aiguiser la bouche.
    — Nous serons onze, monsieur Taillevent, lui
murmura la reine en aparté.
    Le grand cuisinier s’inclina avec un sourire
entendu.
    — Vous m’avez fort bien défendu, madame. J’ai
dit dix, je n’en attendais pas moins de vingt. J’aurais dit vingt, il faudrait
en compter cinquante.
    La faconde du cuisinier la fit éclater de rire, brisant
ses angoisses.

6
Petit souper chez le roi
    Je ne sais trouver paix, ni ne sais faire guerre,
    Je crains autant que j’espère, et je brûle de glace,
    Et je vole au plus haut des cieux, gisant à terre,
    Ne tenant nulle chose, le monde entier j’embrasse.
    Pétrarque [34]
    — Tu me devais une vie, le Peineux. Aujourd’hui,
tu es quitte.
    Le silence se fit sous la vigne décharnée par l’hiver
qui formait une tonnelle dans les jardins de l’hôtel de la Pissotte. Le ciel
noir et glacé s’était dégagé et scintillait des éclats frileux de ses étoiles, où
s’imposait la pleine lune, énorme, énigmatique, éclairant de sa lumière blême
le visage carré, grêlé de la petite vérole, du premier lieutenant de Louis de Bois-Bourdon.
L’homme avait une puissance de colosse, bâti tout d’un bloc, il dépassait d’une
bonne tête son maître qui en paraissait vulnérable, bien qu’il fût aussi de
belle taille, roide, mince et bien découplé. Le froid s’insinuait sous les
gonelles fourrées, moins encore que dans leurs âmes.
    Pascal le Peineux mit un long temps avant de
répondre à son maître, et puis Pascal le taiseux se mit à parler, et à parler
encore, comme il n’avait jamais parlé.
    — Ivrogne que j’étais, queutard, mécréant, la
misère de la gueuserie, commença-t-il de son langage rocailleux, lent et chaotique.
Pris pour un vol de poule, chargé de chaînes… condamné à la roue, rompu de
membres et par tout le corps. Sûr, au premier coup de masse, j’aurais gueulé
comme un porc… j’étais un porc. Toi, sire de Bois-Bourdon, seigneur de Graville,
sénéchal du Berry, tu es venu dans mon cul-de-basse-fosse du Châtelet me sortir
de ma

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