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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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tête de faire des
miracles !
    — Fallait-il laisser le roi sans secours ?
    — Qu’il s’en remette, avait conclu Flamel, je
le souhaite de mes plus ferventes prières. Mais alors, nous aurons bien d’autres
solliciteurs à ne plus savoir qu’en faire !
    — Notre souveraine a promis le plus grand
secret.
    — Il n’est pas de secret qui tienne, la reine
y reviendra, sois-en sûre, et pas qu’elle !
    Ils en étaient restés là, depuis, Nicolas ne
décolérait plus.
    *
    Ozanne avait distillé goutte à goutte l’élixir
entre les lèvres blanches et serrées du roi, à l’aide d’une pipette. Puis elle
avait sollicité chambriers et chambrières pour le déshabiller et lui préparer
un bain. Depuis son éclampsie, Charles puait, baignant dans ses excréments tant
les médecins n’avaient osé le bouger. Une fois lavé et ses draps changés de
frais, elle l’avait massé de ses huiles, puis lui avait ceint au gras du bras
gauche un bracelet fait de la peau d’une anguille laissée mourir par privation
d’eau. Trempée ensuite dans du fort vinaigre, mêlée avec du sang de vautour, et
mise un temps sous le fumier, celle-ci avait alors des vertus merveilleuses, propres
à redonner la vie comme auparavant. Elle tenait cette amulette d’une recette de
son grimoire, le Grand et Petit Albert.
    Et le roi avait repris ses esprits au matin du
lendemain.
    Il ouvrit les yeux alors qu’Ozanne était penchée
sur lui.
    — Belle dame aux yeux d’aigue-marine, est-ce
vous qui m’avez éveillé d’un baiser ?
    La nouvelle du retour à la vie du Bien-Aimé se
propagea à sons de trompes et de héraut, les cloches des églises sonnèrent d’allégresse,
et vidèrent la place Saint-Julien. Orléans respira mieux, et fit savoir comment
il facilita les soins d’Ozanne de Louvain, et vanta les vertus de son
médecin. D’ailleurs, Harcigny et la dame d’honneur s’entendaient à merveille, et
se relayaient au chevet du roi qui sortait peu à peu de son hébétude. Ils s’entendaient
à ne préconiser nulles médications ou chirurgie, mais bonne chère, délassement,
calme, doux exercices du corps, avec recommandation de ne point courroucer le
malade, ni l’attrister, et que tout soit fait en sa plaisance.
    Berry et Bourgogne en convinrent, et décidèrent d’éloigner
leur neveu au château royal de Creil où l’air était bon, le calme bucolique, loin
de toute agitation et des turpitudes de la Cour. Le roi, mis à l’écart, ne s’occupait
que de ses plaisirs, comme au temps où ils gouvernaient la France, ce qui n’était
pas pour leur déplaire. Aussi firent-ils interdiction de le fatiguer avec les
affaires de l’État sous peine d’emprisonnement. Il fut entendu que le roi
serait accompagné par son frère Louis, son beau-frère de Bavière, et, bien
entendu, Ozanne de Louvain et le sage physicien Harcigny.
    Une fois en la place, Louis le Barbu s’inquiéta
auprès de Charles d’Isabelle, dont il n’avait aucune nouvelle. Le roi exigea
alors la présence de sa reine bien-aimée et celle de ses enfants. Il voulut
aussi sa belle-sœur Valentine pour le plaisir de son frère, et ses favoris qu’il
appelait naguère ses « Plaisants Cousins », compagnons de fête et de
débauche, comme le comte de Joigny, le sire de Nantouillet, Yvan de Foix,
et encore Aymeri de Poitiers et le pourtant détestable Huguet de Guisay.
Les oncles durent s’incliner à leur grand déplaisir, car Charles VI, au
château de Creil, reconstituait sa cour avec certains de ceux qui avaient
comploté à leur disgrâce, quatre ans auparavant. Le vent commençait à souffler
dans l’autre sens.
    Les violents orages de septembre avaient cassé la
canicule, octobre commençait, le temps pressait : les princes des Fleurs
de lys, rentrés à Paris, constituaient en hâte leur gouvernement avec leurs
affidés.
    *
    Isabelle se laissa caresser la joue par un rayon de
soleil qui traversait les petits carreaux de la vaste verrière de Saint-Hubert.
Les deux battants du centre étaient largement ouverts sur la douceur de l’arrière-saison.
Elle soupira d’aise et ferma un instant ses yeux éblouis par le kaléidoscope du
panorama. L’automne faisait flamboyer les immenses forêts giboyeuses des environs,
du jaune safran au brun chaud, en passant par les ocres et les carmins
soutachés d’orange vif. Sur les deux panneaux fixes des côtés, les vitraux
racontaient en polychromie, sur fond de ramures, l’un,

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