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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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l’apparition
merveilleuse du cerf qui portait la croix du Christ entre ses bois et, de l’autre,
saint Hubert à genoux, les mains jointes, en extase. Saint Hubert était le
patron des chasseurs, le soutien des veuves et des opprimés. Par la grâce de
Dieu, et par celle de l’élixir de maître Flamel, elle n’était point veuve. Le
roi était en santé.
    Ses deux petites filles jouaient sur l’épaisse
tapisserie qui réchauffait les dalles avec leurs berceuses et leurs damoiselles.
Le dauphin Charles, huit mois, tétait sa nourrice avec gloutonnerie. L’aînée, Isabelette,
qui était le propre surnom de la reine en son enfance, allait avoir trois ans
en novembre. Elle était une ravissante princesse, aussi brune que sa mère, et s’efforçait
maladroitement d’édifier une tour avec ses cubes de bois à images. Jeanne, assise
au centre d’un amoncellement de coussins, suçait un ruban de la robe de sa
poupée de chiffon, tout en regardant œuvrer sa sœur avec la gravité de ses
dix-huit mois. Dès que la tour chancelante s’écroulait, elle avait un éclat de
rire franc et clair, et battait des mains, ce qui provoquait une crise de
colère chez son aînée. Pour calmer cette dernière, les nounous s’empressaient
de reconstruire la tour, mais Isabelette s’énervait de plus belle et repoussait
ses damoiselles : elle voulait faire toute seule, et s’absorbait à nouveau
dans sa tâche. La fillette avait déjà conscience de son rang et en avait les
caprices. La reine, à contempler ses enfants, s’imagina femme d’un hobereau
vivant la vie simple d’une châtelaine. Papillon d’éphémère, elle saisissait ce
moment de bonheur.
    Des cris et des éclats de rire montèrent du fossé
d’enceinte en contrebas. Le roi et ses courtisans jouaient à la balle de terre.
À l’aide d’un bâton recourbé, il s’agissait de pousser une grosse bille de fer
et de la faire choir dans des trous creusés dans le sol. Charles suivait les
prescriptions d’Harcigny et d’Ozanne : délassement et doux ébattements. Le
château de Creil était bien une maison de plaisance, plantée sur l’île
Saint-Maurice dans le cours de la rivière de l’Oise, au sein de la ville
fortifiée.
    Doux ébats étaient aussi les nuits qu’ils
passaient ensemble. Charles lui faisait l’amour avec une tendresse émouvante, attentif
à la féconder. Elle en éprouvait un trouble qu’elle n’avait jamais connu, une
délicieuse jouissance à offrir son ventre à la semence royale. Tous deux
voulaient encore des fils, car le dauphin était un fragile nourrisson. Ozanne
ne participait plus à leurs étreintes, elle jugeait ces joutes passionnées et
sensuelles trop épuisantes pour le roi, et contraires à sa santé.
    Mais leur attente était encore une fois déçue. Elle
fit une grimace de souffrance alors que la fleur vénéneuse de sa défaite
naissait au creux de ses reins, qu’une douleur sourde gagnait son ventre, tordait
son estomac, et lui montait au cœur alors qu’elle se couvrait d’une fine sueur.
Cette nuit, elle ne dormirait pas avec son époux ; ses menstrues, qui la
rendaient impure, ne le permettaient pas. Depuis qu’elle avait mis le petit
Charles au monde, elle souffrait toutes les lunes, d’autant plus que ses règles
annonçaient qu’elle n’était toujours pas grosse. Le spasme de douleur passa. Elle
expira lentement et se tortilla sur son lit de repos. L’étoupe, enveloppée d’une
fine toile, encombrait son entrejambe, et la ceinture qui maintenait sa protection
lui cisaillait la taille.
    Elle se consola en songeant à Valentine Visconti
qui restait stérile, ce qui n’empêchait pas le dépit qu’elle avait de sa
fâcheuse présence. Elle n’était pas la seule, Ozanne elle-même prenait ombrage
de l’omniprésence de la duchesse auprès du roi. La chambellane soignait Charles
avec tout l’amour qu’elle lui portait, lui pratiquait les massages qu’il aimait
tant, et surveillait ses boissons et ses mets. Mais Valentine, depuis son
arrivée à Creil, accaparait les loisirs du souverain qui se plaisait en la
compagnie de sa « chère sœur ». La duchesse d’Orléans avait apporté
avec elle un nouveau jeu qui faisait fureur en Italie : le jeu de cartes. Ces
vignettes, richement enluminées, étaient assemblées à l’image du roi, de la dame,
du valet et du bouffon, et comportaient dix cartes à numéros. Il y avait quatre
assemblages comme il y avait quatre saisons ; chaque

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