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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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sourire. Isabelle se jeta sur
elle et l’enlaça, balbutiant de soulagement. Dans son geste, elle buta contre
le cuveau qui éclaboussa le dallage et le bas de sa robe.
    — Doucement, Isabelle, tu vas tout mouiller, rit
Catherine.
    — Sans compter que c’est du gâchis, ce n’est
pas rien de faire de l’eau de plantain, s’exclama Arégonde, la corpulente et
ronchonneuse cuisinière de la mesnie de la reine, qui l’avait rejointe à Creil.
    — Mon Dieu ! que j’ai eu peur, dit
Isabelle en reprenant son souffle et son équilibre.
    Puis elle s’avisa de ses compagnons, qui, debout
dans leur baquet, troussant leur pèlerine à pleines mains sur leurs mollets
poilus, saluaient leur reine en s’inclinant bas, comme dans une révérence de
demoiselle.
    — Pardonnez-nous, madame, si nous ne pouvons
venir jusqu’à vous, mais nous sommes condamnés à tremper dans cette eau de
plantain, bonne pour les inflammations, paraît-il, lança l’un d’eux.
    — Seigneur Etzel d’Ortembourg ! Je n’aurais
pas reconnu le fiancé de Catherine avec tous ces poils qui vous mangent le
visage.
    — Un passage aux étuves, un bon barbier, et
je serai présentable, madame.
    — Mais il faudra trouver de quoi nous vêtir
décemment, rétorqua un autre qui semblait inquiet.
    — Mais que vous est-il arrivé ? Pourquoi
cette allure de loqueteux ? Où est Ozanne ? (Elle s’interrompit, et
renifla avec dégoût. Une odeur nauséabonde de cuir brûlé, venant de la chambre
aux fourneaux, envahissait la salle.) Quelle est donc cette horrible odeur ?
    — Ozanne surveille des godillots qui flambent,
expliqua la cuisinière. Les cendres de chaussures crevées sont souveraines pour
les excoriations des pieds, par antipathie.
    — Par antipathie ? s’exclama Isabelle, effarée,
à bout de questions.
    — Mais asseyez-vous donc, vous autres ! intima
Arégonde aux hommes toujours debout dans leur baquet. Et que font ces
fainéantes de servantes ? cria-t-elle plus fort. Où sont-elles passées ?
Donnez donc du vin à ces cassés des chemins. Pardi ! répondit-elle enfin à
la reine en s’agenouillant devant Etzel d’Ortembourg, tout en déployant un
linge propre sur ses genoux, on soigne par sympathie ou par antipathie. Quoi de
plus antipathique pour les pieds que de vieux godillots percés, alors on les
brûle, et les cendres sont frottées pour rendre justice aux blessures qu’ils
ont infligées.
    Isabelle était tout à fait interloquée en
entendant ce jargon, et regardait trois femmes qui entraient, remplissaient les
timbales et les distribuaient.
    — On peut pas être partout, râla l’une d’elles,
aux fourneaux à préparer des brouets réconfortants, et ici à enivrer vos
pèlerins.
    Arégonde ne répondit pas, elle sortit un pied d’Etzel
du cuveau et le posa sur le linge.
    Isabelle poussa un gémissement en voyant le pied
du fiancé de Catherine, couvert de plaies.
    — Bah ! ce n’est pas si grave, sourit
Etzel avant de vider le godet qu’on lui tendait.
    — Vous disiez pas ça quand on vous a tous
lavé les pieds avec de l’eau-de-vie. Ça gueulait, ça, je peux le dire.
    Ils éclatèrent de rire tout en buvant, ce qui
irrita la reine.
    — Mais enfin, va-t-on me répondre ? Pourquoi
êtes-vous venu si mal chaussés qu’il faut brûler vos souliers ?
    Les rires redoublèrent. Les timbales de vin qu’ils
vidaient n’étaient sans doute pas les premières, ils en semblaient fort
ragaillardis. Catherine reprit son sérieux la première.
    — Non, Isabelle, pas mal chaussés, mais
pas chaussés du tout. Ceux qui brûlent viennent des cours basses. Nous sommes
venus pieds nus, comme tout bon pèlerin. Mais nous n’avons pas les pieds aussi
encornés que les pénitents.
    — Va-t-on cesser de me parler de pieds et de
godillots ! cria Isabelle exaspérée.
    Elle tira une escabelle près de Catherine, s’y
assit résolument, et dit d’un ton courroucé :
    — Tu m’as fait une belle peur, Catherine, il
s’agissait de vie ou de mort, et vous, vous riez ! Peux-tu m’éclairer au
lieu de ricaner comme une nigaude.
    — Pardon, ma reine, mais la route a été rude
pour venir jusqu’ici. Et le vin aidant, cela nous soulage de toutes nos peines.
Car il fallut bien des ruses et des tortures pour vous atteindre dans votre
isolement.
    Les hommes acquiescèrent et se mirent à parler
tous en même temps, d’où il ressortait que des hommes d’armes patrouillaient
sur les chemins, et

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