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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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saison affichait le
même emblème guerrier : le cœur était la pointe de l’arbalète, le carreau
celle du fer de lance, et ils étaient vermeils ; le pique, la pointe de la
hallebarde, et le trèfle, la garde de l’épée, étaient noirs. Charles VI s’était
pris de passion pour ce nouveau divertissement aux multiples combinaisons, auquel
l’initiait la Lombarde. Cette dernière prétendait également pouvoir prédire l’avenir
« en tirant les cartes », ce qui enchantait Charles. Isabelle comme
Ozanne étaient exaspérées de leur complicité.
    Pourtant, la reine elle-même avait retrouvé avec
Louis d’Orléans leur connivence d’antan. Ils ne se quittaient plus, ils
chevauchaient, chassaient, jouaient ensemble à la paume, toutes activités
interdites au roi car elles remuaient trop les humeurs. Isabelle n’avait pas
oublié Bois-Bourdon, et la blessure de son absence était toujours vive, mais
elle ne pouvait s’empêcher de ressentir auprès de Louis un émoi qui n’avait
rien de fraternel. Contrairement au sombre sire de Graville, Orléans était
léger, toujours enjoué, et elle retrouvait son insouciance, son appétit de
vivre. Elle avait aussi découvert chez son beau-frère un goût de l’étude, de la
culture, des belles choses, bien qu’il aimât un peu trop l’art italien. Mais
davantage encore, il l’aimait, le lui disait, et elle aimait être aimée. Pourtant,
malgré le désir qu’elle en avait, elle ne se résolvait pas à franchir l’interdit.
    — Ne joue pas avec moi, lui avait-il dit un
jour, alors qu’elle s’échappait après un baiser.
    — C’est ce que nous faisons de mieux ensemble,
rit-elle, jouer.
    Elle savait cependant que, à ce jeu, elle pouvait
se perdre.
     
    Des cris stridents brisèrent la sérénité de la
galerie de repos : la tour échafaudée par Isabelette s’était encore
écroulée, et la fillette se roulait par terre de rage, tandis que Jeanne
hoquetait de son rire irrésistible.
    À ce moment, une chambrière du château surgit, et
après une courbette devant la reine, elle haleta :
    — Pardon, madame, on m’envoie pour vous dire
que nous avons recueilli des pèlerins…
    Elle s’interrompit pour reprendre son souffle.
    — Bien, dit la reine, cela ne vaut pas tant d’alarmes.
    — C’est que, madame, l’une des pèlerines dit
se nommer Catherine de Fastavavin, qui désire vous entretenir d’urgence. Il
s’agirait de vie et de mort.
    — Catherine ? dit Isabelle en se levant
d’un bond. Où est-elle ?
    — Dans la salle des cuisines, madame, où madame
Ozanne leur prodigue des soins car ils ont triste état.
    Catherine, sa Catherine était là. Isabelle se mit
à courir. La chambellane de la reine n’avait pas suivi celle-ci en sa Bergerie
de Saint-Ouen. Avec Etzel d’Ortembourg, elle s’était rendue au castelet sis sur
les hauteurs du faubourg Montmartre, offert par Charles VI pour son futur
mariage, afin d’y suivre les travaux de rénovation.
    Depuis juillet, son amie d’enfance lui avait manqué.
Quelles nouvelles lui apportait-elle ? Il s’agissait de vie et de mort, Catherine
était en triste état… Isabelle courait, folle d’inquiétude.

13
Saint Georges
    Vers l’an de N.S. 287, le président Dacien menait
une violente persécution contre les chrétiens. Georges de Cappadoce s’élança au
milieu des martyrs et s’écria : « Tous vos dieux sont des démons, c’est
le Seigneur qui a fait le ciel. »
    Dacien ordonna qu’il fût suspendu à un chevalet, où
ses membres furent déchirés avec des ongles de fer, et les entrailles lui
sortirent du corps. Mais le lendemain, Georges fut retrouvé parfaitement sain, alors
Dacien le fit jeter dans une chaudière de plomb fondu. Georges fit le signe de
croix, et fut comme dans un bain. N’en venant à bout, Dacien lui fit trancher
la tête.
    Comme Dacien revenait du lieu du supplice à son
palais, le feu du ciel descendit sur lui et le consuma avec ses gardes.
    D’après La Légende dorée de Jacques de Voragine [58]
    Dans la vaste salle des cuisines, sur un banc s’adossant
à la longue table chargée d’aiguières et de gobelets, plusieurs visiteurs, en
robe de bure retroussée sur les genoux, étaient assis en enfilade, les pieds
mijotant dans des petits cuveaux fumants. Isabelle ne vit que sa chambellane et
ses grands yeux marine, qui pétillèrent de bonheur en apercevant la reine, tandis
que son fin visage de furet se fendait d’un grand

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