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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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glas.
    Bourgogne éclata de rire. Il était impossible de
leurrer son frère. Ce fut plus confiant qu’il se mit en quête de son fils.
    Malgré son caractère rechigné, Jean de Nevers,
comme le pensait le Camus, était intelligent et retors, et il comprit la
leçon de son oncle. En fin de journée, il s’arrangea pour se trouver en travers
du chemin de Louis d’Orléans. Ce dernier s’apprêtait à le croiser avec le
dédain qu’ils se témoignaient mutuellement, mais, à son grand étonnement, son
cousin le salua et lui donna même l’accolade, tout en l’entraînant d’autorité
dans l’encoignure d’une croisée, malgré sa résistance.
    Commence par le féliciter en toute fraternité, lui avait dit Berry.
    — Mes félicitations, mon cousin.
    — Et de quoi ? répondit Louis avec
raideur.
    — Il faut bien que je reconnaisse ton courage :
régent de France, bigre ! Voilà une charge qui me paraîtrait bien
écrasante, surtout si jeune. Je craindrais, pour ma part, de l’avoir sur les
épaules.
    Louis lorgna le torse trapu de Nevers. Il constata
que celui-ci avait soigné sa mise, toujours vêtu de noir qui était sa couleur, son
pourpoint à haut col bordé de martre était en satin frappé de feuilles d’aubépine
perlées, symbole affectionné de sa mère, Marguerite de Flandre. Il
arborait un chaperon qui lui casquait la tête, surélevé sur le devant, ce qui
lui donnait de la hauteur, où s’enchâssait un diamant bleu de taille
ostentatoire, surmonté de plumes de geai irisées.
    — Si jeune ? reprit Louis avec encore
plus de raideur. Dois-je te rappeler, cousin, que les rois sont dits majeurs et
couronnés à quatorze ans ?
    Sois aimable, mais pas trop, il se méfierait.
    — Certes, mais dois-je te rappeler de même
que tu n’es pas roi ! argua Jean dont le visage prognathe ne tenait guère
longtemps le sourire. Et, à ce jour, tu n’as régenté que bacchanales, filles
de joie et parties de jeux, lança-t-il d’un ton qui se voulait égrillard et
complice.
    Pas trop agressif non plus, son courroux
dominerait.
    — Je suis pair de France, et siège au Conseil
de mon frère le roi ! s’emporta Louis.
    — Certes, et tu y tiens ta place fort
honorablement, souscrivit Jean, conciliant. (Et attaque soudain, là où il ne
s’y attend pas.) Il est vrai qu’il faut te rendre cette justice, tu régentes aussi à merveille poisons et sorcellerie avec ta Milanaise et son mage Ambrogio
de Migli.
    — De quoi parles-tu, cousin ?
    Il faut que tu voies de l’inquiétude dans son
regard.
    — Mais… de la rumeur qui enfle. Ne l’entends-tu
pas ? Elle dit que notre malheureux sire est empoisonné. Hélas, mon beau
cousin, on jase, on jase. Le roi ne t’a-t-il pas poursuivi en te désignant
traître de la pointe de son épée ? Il a bien failli t’occire, et cela
donne à penser.
    — Charles… ne savait plus ce qu’il faisait, bégaya
Louis, devenu blême.
    Et quand tu y liras la peur, tu auras presque
gagné. Donne-lui alors le coup de grâce.
    — À qui le crime profite ? et qui avait
intérêt à envoyer au roi celui que tout le monde nomme aujourd’hui : le
fantôme de la forêt du Mans ? Voilà sur quoi le monde s’interroge. (Il lui
tapota l’épaule amicalement avant de le quitter.) Régent de France, encore une
fois bigre ! Que de ragots ! Personnellement, je n’en crois pas un
mot, mais tu t’exposes, cousin, tu t’exposes. Car si Charles meurt, je ne donne
pas cher de la peau de ceux qui l’auront ainsi navré, la vindicte populaire
peut se montrer aveugle et sanglante.
    Nevers posa un pied sur le banc de pierre et se
tendit afin d’atteindre la crémone de la croisée qu’il ouvrit largement. Une
bouffée de canicule s’engouffra dans la relative fraîcheur qu’entretenaient les
épaisses murailles de l’hôtel des Chanoines. La fenêtre donnait sur le parvis
et la place de la cathédrale Saint-Julien.
    Il se retourna et reprit pied sur le dallage.
    — Vois par toi-même. Souviens-toi de la
Harelle [53] à Rouen, ou des Maillotins [54] à Paris, et
comment la noblesse a tremblé sur son piédestal. Sans compter mon propre
grand-père maternel, le comte de Flandre, qui ne dut son salut qu’en se
déguisant en valet, pour échapper à la vindicte des Mécaniques [55] dans les ruelles de Bruges [56] . Mais enfin, la
régence te revient de droit, tu ne saurais t’en dédire. À te revoir, beau
cousin.
    Et Nevers le quitta sur ces derniers

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