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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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de janvier de l’an 1393. Les réjouissances
se tiendraient en l’hôtel de la Reine Blanche, sis faubourg Saint-Marcel, près
de Paris.
    Il avait dit qu’il voulait que ce mariage fût
inoubliable, même l’Histoire ne l’oublierait pas.

14
Le charivari des ardents
    La sexualité n’est pas pour le plaisir, mais pour la
reproduction de l’espèce. La copulation est interdite pendant la gestation et
pendant la menstruation, autre souillure. Toute femme qui se livre à l’acte
sexuel pour y prendre plaisir et non procréer est en état de péché mortel. Le
coït interrompu, l’onanisme, le lesbianisme, la bestialité sont des perversions
sévèrement punies. Au sein du mariage, la fornication entraîne une souillure. Vingt
jours de jeûne sont infligés à ceux qui ont eu des rapports conjugaux pendant
le carême.
    Jonas d’Orléans [61]
    Les communs du château de la Reine Blanche étaient
en fièvre, presque trois cents queux s’activaient aux cuisines, à la saucerie, l’échansonnerie,
la paneterie ou l’épicerie. Une centaine de chambellans et maîtres d’hôtel, tous
en livrée vert et or, organisaient le ballet des services.
    Taillevent, ceint de son tablier de cuir orné d’un
écu aux trois marmites et bordé de six roses, seigneur des cuisines, tonitruait
des ordres, son large visage luisant de sueur sous son chaperon, il était
assisté d’Arégonde, non moins gueularde, toujours insatisfaite, dont la figure
rubiconde luisait. Les varlets, qui tournaient inlassablement les broches près
des monumentales cheminées, ceux qui touillaient les chaudrons suspendus aux
crémaillères, ou encore les souffleurs qui activaient les feux étaient, quant à
eux, écarlates. L’air, sous les vastes plafonds voûtés, était saturé des
vapeurs graisseuses, des effluves des épices et des viandes grillées ou
bouillies, que les fenêtres basses, pourtant largement ouvertes, évacuaient
avec difficulté. Il régnait une activité de fourmilière, où une fourmi
elle-même aurait eu le tournis.
    À l’étage supérieur, une salle spéciale, appelée
chambre des Ménestrels, était réservée aux baladins de tout crin, trompettes, musiciens,
histrions, jongleurs et même un montreur d’ours. Ils y avaient leurs quartiers,
et ils buvaient, festoyaient, se grimaient, ajustaient leurs décors et
accessoires avec fébrilité, car il n’y avait pas moins de douze services, entrecoupés
d’entremets. Leurs interventions dans la grande salle du banquet nuptial
étaient ordonnées par un maître de cérémonie aidé de dix assistants. L’un des
entremets avait été commandé par le roi lui-même, c’était la représentation de
saint Georges et du dragon. Le maître de cérémonie avait réglé en personne le
tableau qui devait être le clou des exhibitions.
    Le banquet se déroulait dans la grande salle du
château, dite la chambre d’Ulysse, située au dernier étage, qui occupait toute
la surface du bâtiment principal entre les deux énormes tours cornières. Elle
pouvait contenir trois cents personnes à l’aise. La nef de la salle, couverte d’une
charpente en bois apparent dont chaque chevron était taillé en arceau brisé, faisait
penser au squelette d’un bateau renversé. Elle était soutenue par des
colonnades en grès ouvragé derrière lesquelles courait un déambulatoire, et
deux cheminées centrales se faisaient face et chauffaient la salle de leurs
grands feux. Elles étaient encadrées de hautes fenêtres en ogive, et les murs, tendus
de tapisseries de hautes lisses, contaient en images vives les aventures
mythiques de l’Odyssée. Ce dégagement faisait le tour sur trois côtés et
communiquait avec le double portail d’entrée merveilleusement sculpté. Sur un
pan, on voyait Ulysse attaché au grand mât de son navire, afin de résister à l’attraction
du chant des sirènes qui surgissaient joliment des flots, sur l’autre pan
figurait Pénélope, travaillant à son interminable tapisserie, entourée des
visages grimaçants de ses prétendants. Pénélope était l’exemple parfait de l’épouse
fidèle et patiente malgré la longue absence de son époux, elle l’attendait
obstinément alors qu’on le disait mort. Elle avait promis de se remarier quand
son ouvrage serait terminé, mais, la nuit, elle défaisait ce qu’elle avait fait
le jour.
    La salle proprement dite était drapée, à divers
endroits plaisants, de voiles d’or, qui renvoyaient les feux des centaines

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