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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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de
chandelles fichées sur trois couronnes de lumières en suspension. Au haut bout
d’une estrade, dans la largeur, la table d’honneur était surélevée de cinq
marches couvertes d’un tapis. De chaque côté, contre les colonnades, de longues
tables délimitaient un vaste espace réservé au service, aux entremets, et
bientôt au bal.
    Catherine de Fastavavin était éblouie par l’apparat
de ses noces. Le chemin avait été rude et les larmes abondantes depuis qu’elle
et Isabelette avaient quitté le bonheur de l’enfance pour la grandeur de la
cour du plus puissant royaume d’Occident. En ce jour faste, Catherine voulait
croire que, enfin, leur vie allait s’ensoleiller de joie ; les princes
étaient apaisés, le roi en santé, radieux, serein. Elle connaissait un tel
bonheur, qu’elle ne pouvait plus imaginer le malheur.
    Le festin avait été somptueux. Au son des trompes,
elle avait fait une entrée solennelle dans la chambre d’Ulysse, la main posée
sur le poing du roi. La reine suivait avec Etzel d’Ortembourg, puis venaient le
duc et la duchesse d’Orléans, qui avaient la préséance sur le duc de Berry
et sa jeune épouse, Jeanne de Boulogne, suivis du duc et de la duchesse de Bourgogne.
Les convives s’étaient tous agenouillés à leur passage, elle s’était sentie
comme une souveraine dans sa robe d’écarlate à longue traîne, aux manches
crevées et crantées en barbes d’écrevisses. Charles VI, pour son mariage, lui
avait offert une couronne de saphirs qui s’accordaient si bien avec ses yeux
bleu marine. Il l’avait conduite à la table d’honneur, sous le dais royal, où
elle avait pris place au côté de son nouvel époux, entourés du roi et de la
reine, un insigne honneur. Elle avait pour elle seule un écuyer-tranchant, le
sire de Nantouillet, et, pour échanson, le seigneur Yvain de Foix, bâtard
de Gaston Phébus. Il était d’usage que les preux servent leurs suzerains dans
les festoiements d’importance. Les chevaliers germaniques, italiens, bourguignons
ou de la maison de la reine et les Plaisants Cousins du roi s’affairaient
autour des tables, tranchant les viandes, servant les vins, tendant les
aiguières d’eau parfumée au-dessus des bassins pour l’ablution des mains, et
faisaient rire l’assemblée de leurs facéties. Sans compter Capucine, le nain de
Louis d’Orléans, qui lutinait sans vergogne toutes les dames et rivalisait en
acrobaties avec les jongleurs et acrobates des entremets. L’humeur était
joyeuse, détendue, insouciante. Mais Catherine ne fut pas sans remarquer une
dame qui semblait s’ennuyer avec un sourire contraint : la Couleuvre
milanaise. Le roi, qui avait à sa gauche la ravissante Jeanne de Boulogne,
duchesse de Berry, ne cessait de la taquiner, et celle-ci riait fort à ses
plaisanteries. Isabelle avait à sa dextre le duc d’Orléans, qui n’avait d’yeux
que pour elle et délaissait à son côté son épouse, Valentine. Mais il y avait
plus, la reine avait exigé que les oiselets de Chypre et les cornes de licorne,
censés contrarier le pouvoir des poisons en touchant les aliments, soient
multipliés autour du roi, et deux goûteurs faisaient « l’essay »
avant que Charles ne touche au moindre mets. Ces précautions ostensibles
visaient la réputation d’empoisonneuse de Valentine, qui ne s’y trompait pas. Catherine
avait presque pitié de la duchesse italienne, surtout depuis que le roi, lors d’une
assemblée plénière, au début de l’an 1393, avait annoncé à coups de trompe que
sa reine bien-aimée était grosse à nouveau. À cette bataille des nourrissons
entre les deux branches des Valois, Isabelle continuait de triompher.
    Le clou des entremets arriva le dernier, celui de
saint Georges. Un dragon en cuir bouilli, couvert d’écailles verdâtres, fit une
apparition saisissante. Animé par un cracheur de feu, il soufflait des flammes
par la gueule de l’animal, aux dents monstrueuses et dégoulinantes de sang. Alors
un chevalier, tout armuré de blanc, surgit à sa rencontre. Il s’ensuivit un
combat, si bien réglé et tant applaudi, qu’il se prolongea contre toute mesure
pour le plaisir de l’assistance et celui du roi, qui exultait. Enfin, Georges
perça la poitrine du dragon qui s’affala, les pattes en l’air, raide mort. Alors
le chevalier blanc mit son épée au fourreau et se saisit d’une enseigne
enroulée sur sa hampe que lui tendait un assistant. Il monta sur le ventre

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