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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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temps jadis , François Villon
    Ce même jour, la demoiselle de Louvain croisa
le sire de Graville et son écuyer Pascal le Peineux au moment où elle s’apprêtait
à rejoindre la reine dans sa chapelle privée. Bourdon l’arrêta.
    — Ozanne, viens avec moi !
    — Messire, vêpres carillonnent et la reine
attend son psautier.
    — Qu’elle l’attende, dit-il durement en lui
ôtant le livre des mains.
    Il sortit, jetant au passage le psautier d’Isabelle
sur un lutrin.
    Elle se mit à trembler en le suivant. Bourdon
avait ce regard d’acier qui l’avait toujours effrayée. Quelle faute avait-elle
commise ?
     
    Le sire de Graville l’entraîna dans un petit
cabinet et s’y enferma avec elle, en s’assurant auparavant que nul ne s’y
dissimulait, inspectant derrière chaque tenture. Puis il ordonna à son écuyer
de faire bonne garde devant la porte pendant l’entretien.
    Il fut court. Ozanne en ressortit le visage
décomposé. Elle se rendit directement à l’oratoire de la reine, y prit Esfoldre
sur son coussin d’azur, et s’en revint avec l’épée royale qu’elle remit au
sénéchal du Berry. Elle tremblait toujours, de façon effroyable.
    — Reprends-toi, Ozanne ! Reprends-toi
pour le salut de la reine et pour le nôtre. Va maintenant ! Va prier avec
elle.
    Puis il se retourna vers Pascal le Peineux :
    — Va, toi aussi, tu sais ce que tu as à faire !
Et tiens-toi prêt.
    L’écuyer s’inclina et sortit. Bourdon avait un air
de farouche détermination, mais il était aussi livide qu’Ozanne, qui n’avait
pas bougé, s’employant à reprendre le contrôle d’elle-même. Il prit le psautier
d’Isabelle et le lui tendit.
    — Va, Ozanne, lui redit-il, mais cette fois
avec une infinie douceur.
    Ozanne lui prit la main, et la lui baisa
longuement.
    — Merci pour elle, messire. Et que Dieu vous
protège.
    Elle sortit, tenant le psautier serré contre ses
seins, d’un pas redevenu ferme. N’avait-elle pas juré devant Dieu de donner
jusqu’à sa vie pour la sauvegarde du roi et de la reine ?
     
    Resté seul, Bois-Bourdon se laissa aller à sa
douleur furieuse. Avec un rugissement terrible, il brandit l’épée à deux mains
et l’abattit avec une violence inouïe sur un tabouret. Le bois fut fendu net de
part en part, l’acier rebondit sur le dallage et fit jaillir une gerbe d’étincelles
bleutées avec un son de cloche plaintive. La pierre était écorchée, mais
Esfoldre, telle la Durandal de Roland, resta indemne.
    Narines pincées, les yeux clos, le visage creusé, il
resta un moment avant de reprendre son calme, les poings crispés sur le pommeau.
    — Maintenant, Charles, à nous deux, murmura-t-il
dans une lente inspiration.
    *
    Charles se trouvait dans la salle d’armes de son
hôtel de Sens. Il s’entraînait à l’épée avec son chambellan, Guillaume de Chastel,
dont il venait de parer une attaque franche. Les épées s’entrechoquèrent
brutalement. D’un vif moulinet du poignet, le roi se dégagea, recula de deux
pas, et reprit position face à Guillaume, jambes écartées et légèrement pliées,
l’épée basse et bien en main.
    — Prêt, sire ? demanda de Chastel
qui faisait une tête de moins que son adversaire, mais qui était d’une
étonnante agilité.
    — Viens donc, Guillaume le Petit, je t’attends,
répondit le roi avec jubilation.
    Le chambellan fonça, l’épée levée. Charles monta
la sienne au dernier moment, les lames se croisèrent haut et crissèrent l’une
contre l’autre. Les deux hommes se retrouvèrent nez à menton. Le roi, plus
lourd, pesa de sa force et de son poids sur l’épée de Guillaume dont le corps, lentement,
s’arquait en arrière sans plier. Soudain, le jeune chambellan rompit d’une
intrépide roulade arrière, sans lâcher son arme. Emporté par l’élan de sa
pression, le roi s’affala par terre, à plat ventre. Les deux adversaires
éclatèrent de rire. Ils s’assirent à même les dalles et reprirent leur souffle.
Le duc de Bourgogne fit à ce moment son apparition.
    — Désirez-vous m’entretenir, mon bel oncle ?
lui demanda le roi, en s’essuyant le visage dans un linge que lui présentait un
varlet.
    Il ruisselait de sueur, il faisait chaud dans la
salle d’armes où crépitait un grand feu.
    — D’une chose extrêmement grave, sire mon
neveu.
    — Bigre ! Vous avez la mine bien sombre.
    Charles et Guillaume se relevèrent, burent une
grande lampée de vin, et reprirent

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