Eclose entre les lys
volumineuse houppelande fourrée.
— Beau neveu, je viens d’urgence avec des
nouvelles de la duchesse de Brabant. J’ai grave chose à vous dire !
— Parlez donc, mon oncle, soupira Charles
avec ennui.
Et Philippe lui conta ce qu’Isabelle savait déjà.
— Qu’avons-nous à voir avec ces querelles de
princes germaniques ? s’impatienta le roi qui était décidément dans de
mauvaises dispositions.
— Le Brabant est mon héritage, seigneur mon
neveu, de par mon épouse, la duchesse de Bourgogne.
— Certes, certes, répondit Charles mollement.
— Et que prétendez-vous, mon bel oncle ?
intervint Isabelle d’une voix douce.
— La guerre ! La guerre contre le duc de Gueldre.
— Et qui vous en empêche ?
Bourgogne resta un instant interloqué, puis
foudroya la jeune souveraine du regard.
— Il ne m’appartient pas de lever l’oriflamme
de Saint-Denis contre de Gueldre, cela n’appartient qu’au roi, lui
répondit-il avec hauteur.
— Pardonnez-moi, bel oncle, mais j’ai cru
ouïr que le duché de Brabant était votre héritage, pas le nôtre. Que ne
levez-vous les armées de vos apanages, et que ne marchez-vous sur ce prince qui
cause si grand tort à M me de Brabant ?
— Je suis prince des Fleurs de lys ! M’attaquer,
c’est attaquer Sa Majesté royale.
— Personne ne vous attaque, vous n’êtes pas
encore duc de Brabant, lui lança la princesse de Bavière avec
désinvolture. À ce propos, comment se porte notre belle-tante ? ajouta-t-elle,
souhaitant se faire confirmer les infirmités de la douairière à plaisir.
— Bien petitement. Et c’est pourquoi nous lui
devons secours.
— Un devoir qui vous appartient, mon oncle, laissa-t-elle
tomber avec un irritant sourire. (Puis se tournant vers le roi, elle ajouta.) D’ailleurs
n’est-il pas coutumier de faire une trêve lors d’un sacre ? Dois-je à
nouveau vous faire souvenir de votre promesse, gentil sire ?
— La pompe d’un sacre est ruineuse et le
Trésor est vide, explosa le Hardi.
— Serait-il plein pour faire la guerre ?
riposta-t-elle.
Bourgogne resta pantois devant tant de pertinence.
Il se tourna vers le roi qui se taisait.
— Noble neveu, que vous en semble ?
— Que vous avez raison, le Trésor est vide. Et
la reine est dans la vérité, cette querelle avec de Gueldre ne nous
concerne pas, trancha Charles d’un ton maussade.
Isabelle, qui grignotait des épices de chambre, demanda
d’une petite voix innocente :
— Ne sommes-nous pas liés au duc Guillaume
par un pacte d’alliance ?
— En attaquant le Brabant, il l’a rompu !
hurla le Hardi dont la patience était mise à rude épreuve.
— Que nenni, mon bel oncle, s’énerva à son
tour le roi. Le duc de Gueldre ne nous a fait nul tort, et ce serait
félonie que de lui faire mauvaise guerre.
Et se levant brusquement, il lui signifia la fin
de l’entretien.
— Je vous raccompagne, bel oncle, j’ai
moi-même à vous parler d’une affaire d’importance.
Bourgogne connaissait les signes qui annonçaient
une crise d’exaltation dont le roi était parfois victime, il savait qu’alors il
n’y avait rien à faire. Aussi suivit-il son neveu, blanc de colère, mais sans
barguigner [38] davantage.
Dans le corridor, Charles, nerveux, se mit à
déambuler.
— J’ai moi aussi reçu courrier. Le sire de Graville
est à Pampelune. Bois-Bourdon se dit prêt à nous venger, il n’attend que mon
ordre pour frapper. Et je ne sais à quoi me résoudre.
Les éternels atermoiements de son neveu mettaient
à vif les nerfs du Hardi qui trancha avec agacement :
— Qu’il frappe puisque vous l’avez envoyé
chez le Grand Empoisonneur de Navarre pour faire justice.
Philippe faisait peu cas de la vie de quiconque le
gênait, et encore moins de celle du Mauvais qui avait tenté, il y a peu, de les
faire empoisonner lui et le duc de Berry.
Charles s’arrêta. Ses traits s’affaissèrent, son
agitation tomba d’un coup. Il sembla soudain comme écrasé par le poids de cette
terrible décision. Enfin, il fit le signe de croix.
— Merci de votre avis, marmonna-t-il. Je vais
encore prier afin que Dieu m’éclaire et me dicte Sa décision.
Le duc de Bourgogne tourna les talons, maîtrisant
mal une furieuse exaspération : les temps n’étaient pas si loin où son
seul avis aurait prévalu, même contre celui de Dieu.
C’est alors que, du fond du couloir, ils
aperçurent Catherine
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