Eclose entre les lys
reine. Ces
fiefs maudits étaient peut-être sans danger pour un prince qui ne se devait
point d’assurer bonne dynastie à la France, non pour la branche régnante des
Valois. C’était remettre chacun à sa place. Défense et accusation en furent d’accord.
Alors il fut parlé de dédommagement pour la
demanderesse dont les avocats assenèrent l’atout majeur : l’année
prochaine, aux environs de juin 1388, la reine donnerait naissance.
L’assistance croula sous les vivats et les
applaudissements. Jean la Grâce, dans sa belle robe lilas, souriait. Le silence
revint, alors que le roi, éperdu de bonheur, allait s’agenouiller devant la
reine où il fit hautement amende honorable. Puis il promit à Isabelle tout ce
qu’elle voulait en compensation, en particulier cette bergerie qu’elle
convoitait à Saint-Ouen, aux environs de Paris, et qu’elle avait repérée au
cours de leurs chasses.
Ce qu’Isabelle appelait sa Bergerie était une
grosse ferme fortifiée qui dominait de sa motte des pâtures à moutons. Le
domaine s’étendait par ailleurs sur plusieurs milliers d’acres en forêts, terres
cultivées et métairies. La reine avait été charmée par la beauté du site et sa
rusticité. Elle rêvait d’y recouvrer sa liberté, son besoin de grands espaces, son
goût pour la campagne et les bêtes, en plus d’un petit douaire bien à elle dont
les revenus lui reviendraient. Le roi lui promit sa Bergerie.
La reine demanda encore qu’il fût pris date sans
délai pour le mariage de Catherine de Fastatavin avec le capitaine de sa
garde, Morel de Campremy. Le duc de Bourgogne l’avait fait reporter à
l’année suivante par souci d’économies.
On fixa la date fort opportunément à la
Sainte-Catherine d’Alexandrie, le 25 novembre, qui mettrait ainsi les
futurs mariés sous la protection de la Bienheureuse. Charles VI promit de
prêter sa vaisselle d’or aux banquets, offrit quatre mille francs or pour l’établissement
de la chambellane, et autant pour la cassette de la reine.
Isabelle omit toutefois de réclamer encore son
sacre. « Cela embarrasserait votre époux, lui avait conseillé son vieux
maître, et pourrait le fâcher. » Ce procès d’agrément avait donc tourné à
la déconfiture du duc de Bourgogne pour le plus grand profit de la
princesse de Bavière.
Sous la houlette de Philippe de Mézières, les
chefs de la conjuration, qui s’étaient promus juges et avocats, y avaient
veillé.
Les minutes du procès furent rapportées mot pour
mot à Philippe le Hardi qui n’en garda pas moins les biens du Navarre. La
nouvelle de la grossesse de la reine sembla du moins le satisfaire, bien qu’il
eût pour elle une phrase méprisante : « C’est tout ce qu’on lui
demande, qu’elle fasse des héritiers à la couronne et qu’elle continue de s’amuser
avec les Marmousets. »
Marmousets, par ce nom donné aux figures
grotesques et grimaçantes qui ornaient les heurtoirs des portes ou des chenets
de cheminées, le duc désignait les anciens conseillers de son frère Charles V
dont il n’avait pas été sans remarquer le retour. Le mot avait été lancé avec
dédain, pour afficher le peu de cas qu’il faisait de ces hommes et de leur
jugement de carnaval. L’expression courut de bouche en bouche à la Cour, et
leur resta.
Bourgogne, premier pair de France, marquait son
éminente position envers ces frivoles agitations courtisanes. Il continuait de
gouverner le royaume au profit de ses immenses États dont il ne voulait perdre
miette, comme le Brabant. Il possédait au plus haut point l’arrogance des
Valois, sûr de son indéfectibilité.
Les Marmousets, puisque Marmousets il y avait, allaient
le lui faire voir. Ils ourdirent une machination dont le duc d’Orléans serait
le seul histrion. La menée était délicate mais elle pouvait réussir, car elle
jouait justement sur l’arrogance du duc.
Ils laissèrent passer le mois de novembre qui se
grisa de plus belle en fêtes et bacchanales interminables au mariage de
Catherine de Fastatavin. Philippe le Hardi, qui se tenait coi depuis
son altercation avec le roi, bouillait d’exaspération et d’impuissance. Il
était comme un fauve muselé et encagé. Les Marmousets jugèrent alors le duc fin
prêt à recevoir toutes suggestions, même les plus insensées, propres à briser
la résistance royale. Sur leur instigation, Louis rendit donc une banale visite
de politesse à l’hôtel
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