Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
Vom Netzwerk:
partageait, comme à l’accoutumée, avec
Catherine de Fastatavin.
    Cette dernière était une orpheline issue de petite
noblesse bavaroise tombée en dérogeance. Thadée Visconti, qui était sa
marraine, avait recueilli sa filleule dans sa mesnie [4] comme le voulait
l’usage. Catherine avait alors cinq ans et Isabelle trois. Elles avaient grandi
ensemble, inséparables.
    Bien qu’épuisées par cette rude journée, plus
complices que jamais, elles n’avaient de cesse de pouvoir babiller en toute
liberté, trop surexcitées pour trouver le sommeil.
    — N’est-il pas le plus noble ? Le plus
noble des plus nobles ? Ne l’avais-je pas dit ? répétait encore la
princesse avec triomphe.
    — Il te regardait de bien belle façon. Tu
dois rendre grâce à cette vilaine douairière de Brabant. Sans elle, tu serais
apparue au roi en futaine de pèlerine.
    — Je gage qu’il aurait trouvé comme elle que
je sentais par trop la montagne.
    Elles éclatèrent d’un rire clair et insouciant,
Isabelle était amoureuse à son tour, elles avaient retrouvé une totale
connivence. Mais si l’amour de Catherine était de chair, celui de la princesse de Bavière
était toujours de parchemins et d’enluminures. Il n’était point de gente
damoiselle qui n’ait été nourrie depuis l’enfance au lait gracieux de la fin’amor, point qui ne connaisse, sur le bout des mots, les délicatesses de son code,
ses raffinements, sa poésie, son idéal courtois. Nul château, nulle maison
bourgeoise qui n’ait en sa librairie les lais de Marie de France, Lancelot, le
Chevalier au lion ou Perceval…
    — Crois-tu qu’il sera demain à la messe
solennelle de saint Jean-Baptiste ?
    — Ton oncle Frédéric n’a-t-il pas dit qu’il
venait aussi en pèlerinage pour faire ses dévotions ?
    — Crois-tu qu’il me regardera ?
    — Il ne saurait y manquer, lui assura son
amie en riant.
    — Peut-être recevrai-je un billet, et qu’il
se fera mon poursuivant d’amour. Alors je devrai le refuser pour bien le
désespérer, comme il est écrit dans les romans. Il sera mon homme lige de corps
et d’âme et mon champion, et m’éblouira d’exploits qu’il viendra déposer à mes
pieds, au château de Ludwigsburg, et je lui donnerai le bout de mes doigts à
baiser, en récompense de sa bravoure et de ses épreuves…
    Catherine s’amusait du délire d’Isabelle dont la voix
s’empâtait de somnolence. Il est vrai qu’elles avaient tant lu les livres
interdits de Thadée Visconti, jusqu’à en savoir des passages par cœur. Elle
récita à mi-voix :
     
    Il faut que jeunesse
se mette
    À être gaie et
amoureuse :
    C’est la saison
belle et heureuse.
    Qui n’aime en mai a
l’âme dure,
    Quand il entend sous
la ramure,
    Des oiseaux les doux
chants mélodieux…
     
    — Tu t’en souviens, Isabelle ?… Le
Roman de la Rose.
    Mais Isabelle ne répondit pas, soûlée des émotions
de cette longue journée, le sommeil venait de la terrasser. Elle avait glissé
dans les rêves où elle était Guenièvre, Laudine, Iseut… pour son beau cavalier
blond. Elle était la « Rose enclose en verger d’Amour ».
    *
    Au palais épiscopal, Pierre Aycelin de Montaigu
ne prit pas garde, tout d’abord, à un bourdonnement vague et lointain. Il
s’enflait. Bientôt, les corridors résonnèrent de galopades et de cris. Le
cardinal se redressa vivement, et jeta un coup d’œil inquiet au jeune prince à
moitié nu, alangui sur la fourrure de loup, qui paressait à reprendre ses
esprits. Laon fut prompt à retrouver les siens, avec la prise de conscience de
sa folie.
    Que venait-il de s’accomplir ?… Plus
tard ! il y réfléchirait plus tard. Pour l’heure, il devait se porter aux
nouvelles.
    — Rajustez-vous, monseigneur.
    Il avait retrouvé son ton de précepteur et sortit
vivement de son cabinet. Dans les couloirs, l’agitation était extrême. La foule
des courtisans regagnait son logement d’un même pas de course, et comme le
palais était plein comme un œuf, cela faisait du monde. La moindre soupente, le
plus petit retrait avaient été requis pour les gens de cour : chevaliers,
écuyers, prélats, conseillers, nobles dames et dames d’honneur ou d’atour qui
composaient la suite du roi. Médusé, le cardinal regarda passer cette vague
déferlante et mugissante de courtisans affolés.
    — Que se passe-t-il ? lança-t-il à la
cantonade.
    — Le roi se marie ! lui répondirent des
cris de

Weitere Kostenlose Bücher