Eclose entre les lys
davantage
cette damnée varice. Prends garde d’échouer, ou je te ferai jeter à la rue, nue
et bâtarde comme au premier jour de ta naissance.
Il n’y avait pas un mot à ajouter, Ozanne se retira
en tremblant.
*
Deux heures après vêpres se tint la bénédiction des
fiançailles royales dans le petit oratoire de la duchesse de Bourgogne, devant
une poignée d’intimes français et bavarois.
Le roi était superbe, en pourpoint cramoisi à
larges manches bouillonnées aux épaules, un feutre vert herbeux à revers noirs
posé sur ses cheveux blonds. Il ôta de son doigt un anneau d’or et le glissa à celui
d’Isabelle, celui dont la veine va directement au cœur.
— Moi, Charles, je promets par mon serment d’épouser
Isabelle, si la sainte Église y consent. Amie, par cet annel d’or, je vous mets
en ma possession et de vous aimer toujours loyalement.
L’aumônier tendit une alliance à la princesse de Bavière
qui la passa à l’annulaire du roi.
— Moi, Isabelle, je promets par mon serment d’épouser
Charles, si la sainte Église y consent. Ami, par cet annel d’or, je me remets
en votre possession et de vous aimer toujours respectueusement.
— Et moi je vous fiance au nom du Père, du
Fils et du Saint-Esprit ! Amen.
Et l’aumônier les bénit d’un signe de croix. Charles
de Valois, dit le Bien-Aimé, et Isabelle Wittelsbach Visconti étaient
promis.
Ils se tenaient de part et d’autre du prêtre. Isabelle
portait une couronne d’or que lui avait offerte le roi, posée sur ses cheveux
tombants, ruisselants sur une aube d’écarlate. L’aumônier prit la main de la
fiancée et la mit dans celle du fiancé. Charles en baisa la paume et la pressa
sur sa propre joue avec infiniment de douceur.
— Ma mie, je me donne à vous de corps et d’âme.
Un sourire de vous et je serai en paradis.
Ozanne détourna les yeux en retenant ses larmes ;
elle ne pouvait supporter de voir les mains de cet homme qui avaient caressé si
brièvement son corps, ni ces lèvres qui lui avaient débité de si vains mots d’amour.
Celui qu’elle aimait épousait ailleurs, celui qu’elle
aimait – quelle folie ! – était le roi de France.
— Qui êtes-vous, demoiselle à la jolie figure ?
Elle sursauta. Le roi, qui se faisait présenter la
suite bavaroise, se tenait devant elle.
— Ozanne de Louvain, noble sire, répondit-elle
en s’inclinant aussitôt.
— Ne vous ai-je point déjà vue ?
— Non pas, sire, je n’aurais pu l’oublier.
Elle niait, d’une voix mal assurée, tant elle
redoutait d’être reconnue, et souffrait de ne pas l’être.
— Vraiment ? Êtes-vous de la maison de Bavière ?
— Je suis à M me de Brabant,
sire, au service de la princesse Isabelle.
— Et nous souhaitons que vous le restiez en
qualité de première dame d’honneur de la reine. (Puis se tournant vers la
duchesse de Brabant.) Madame, oserai-je vous demander la permission de
nous céder cette ravissante demoiselle ?
La douairière, prise de court, ne put que s’incliner.
— Je ne saurais vous la refuser, Majesté, marmonna-t-elle,
la rage au cœur.
Le roi, qui n’était pas dupe, la remercia d’un
large sourire. Marguerite de Bourgogne souriait aussi, satisfaite : le roi
suivait ses conseils et s’employait à s’attacher les familiers de sa future
épouse.
C’est ainsi que Catherine de Fastatavin
resterait en France avec le titre de chambellane. Quant au chevalier Adémard de Courtemay,
il se vit nommer chef de lance dans la garde personnelle du roi, un honneur
dont il n’aurait jamais osé rêver, et qui allait en faire pâlir de jalousie
plus d’un.
Profitant du cérémonial des présentations, Jeanne de Brabant
se rapprocha d’Ozanne.
— Et que dira la reine lorsqu’elle saura que
sa première dame d’honneur couche avec le roi et qu’elle l’aime ? lui
persifla-t-elle à l’oreille.
La demoiselle de Louvain devint mortellement
pâle. La détestable douairière ajouta dans un souffle, avant de quitter l’oratoire :
— Je ne te tiens pas quitte, Ozanne la
Bâtarde !
Isabelle vit la duchesse de Brabant sortir, et
s’approcha à son tour d’Ozanne dont elle avait remarqué la soudaine pâleur.
— Es-tu heureuse de rester avec moi ? lui
demanda-t-elle avec inquiétude.
— Fort heureuse et fort honorée, répliqua
celle-ci avec un sourire contraint.
Le visage d’Isabelle s’illumina de
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