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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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eux, symbole de l’épreuve suprême, disait la
poésie courtoise.
    — Aurais-je dû demander l ’asag, madame ?
    — Isabelle, sortez de votre songe et de vos
romans, lui répondit la duchesse, perdant patience. (Elle prit un ton plus
ferme.) C’est votre nuit de noces. Vous devez vous montrer vaillante et faire
ce qu’il faut pour donner des enfants à la Couronne.
    L’autorité de la duchesse la sortit de sa torpeur.
    — Dieu ne doit-il pas y pourvoir ? Croyez-vous
qu’il ne m’en juge pas digne ? répondit-elle avec humeur.
    Consternée, Marguerite de Flandre se reprocha
de ne pas avoir prévenu le roi de la grande innocence de sa petite épouse. Mais
elle songea combien son beau-neveu était affable avec les femmes, et combien
lui-même baignait dans les subtilités chevaleresques. Ces enfants s’aimaient, et
ils sauraient bien s’en arranger…
    *
    Bois-Bourdon n’arrivait pas à croire ce qu’il
entendait. La reine de France était encore une enfant, la reine de France était
impubère.
    — Comment avez-vous osé, madame, osé livrer
une fillette à la puissance du roi ? Pourquoi avoir gardé le silence ?
Pourquoi parler maintenant ?
    Le sire de Graville était blême de fureur. Ozanne
pleurait en silence tandis que Jeanne de Brabant, allongée sur son lit, dissimulait
une souffrance de martyre. Seules de grosses gouttes de sueur sur son front
trahissaient sa douleur.
    — Elle est en âge d’être femme. J’espérais qu’elle
le serait avant le mariage. Tout a été trop précipité. Et j’ai peur d’en être
damnée.
    — Ne m’en contez pas, madame ! Vos peurs
sont trop tardives.
    Il y avait quelque chose qui lui échappait. Pourquoi
la duchesse faisait-elle appel à lui in extremis ? Pourquoi prenait-elle
un tel risque pour empêcher la consommation de ce mariage ? Et pourquoi
Ozanne s’était-elle trouvée aux étuves ?
    Il se tourna vers cette dernière.
    — Qu’as-tu fait boire au roi ?
    — Un philtre à rendre impuissant, avoua-t-elle
sans réticence, le visage ruisselant de larmes.
    « Maudite soit cette bavarde de bâtarde ! »
songea la duchesse.
    — Un philtre à rendre impuissant ? répéta
Bourdon, incrédule.
    Il se retourna vers Jeanne de Brabant.
    — Sur votre ordre, madame, à n’en pas douter.
    — Il me fallait tenter d’empêcher…
    — Vous auriez pu choisir plus habile sorcière
pour vos sortilèges, la coupa le sire de Graville en explosant de colère. Savez-vous
ce qui se passe ? Votre philtre s’est mis à marcher à l’envers. Charles
resta bloqué à bander jusqu’à la torture pendant toute la messe des noces. Des
durcissements lui mirent les nerfs à vif pendant tout le festin. Il n’y eut
guère de répit qui soulageât sa virilité. Vous imaginez-vous dans quel état le
roi va connaître la reine ?
    Ozanne, prenant toute la mesure de son crime, poussa
un gémissement de désespoir et tomba à genoux, balbutiant des oraisons.
    — Pour la sauveté de la reine, parlez au roi,
supplia la duchesse. Suppliez-le, demandez-lui d’offrir cette nuit et les
suivantes à la Vierge Marie [9] et d’attendre qu’Isabelle
soit purgée pour la première fois. Je vous en prie, courez ! Pour la
sauveté de la reine.
    — J’y cours, madame ! Et je vous invite, vous
aussi, à vous mettre en prières.
    *
    Catherine contemplait son amant dont le regard
luisait doucement, comme des émeraudes caressées par les pâles rayons de la
lune. Elle adorait l’eau verte de ses yeux, elle adorait qu’il lui fît l’amour,
elle adorait Adémard. Elle aimait à caresser son torse lisse, à la peau
laiteuse de roux, constellée de taches de rousseur. Le seigneur de Courtemay
était doux, infiniment tendre. Mais elle savait qu’il pouvait se battre avec
une grande bravoure, comme le lion dont il avait la crinière. Elle avait cet instinct
de femelle qui jouissait de faire manger une bête féroce dans sa main. Adémard
l’attira à lui et la renversa sur la couverture, se couchant à nouveau sur elle.
    — Je ne me lasse jamais de vous, douce amie.
    Il pénétra sa chaleur.
    Ils s’aimaient depuis l’enfance, depuis qu’Adémard
était apparu à la cour de Bavière, comme page de monseigneur Louis, frère
aîné d’Isabelle. Il avait onze ans, et les autres enfants se moquaient de sa
tignasse carotte. Il les avait fait taire, à coups de pied, à coups de poing, malgré
sa taille fluette d’alors. Et n’avait cessé depuis

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