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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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cheval, et il rejoignit la tête
de ses hommes.
    Alors seulement Isabelle s’aperçut, à la douleur, qu’elle
avait gardé la figurine du roch dans son poing et qu’elle la serrait trop fort.
Elle ouvrit la main, le chevalier d’ébène s’était incrusté dans sa chair. Elle
s’avisa aussi qu’on était le jour de la Saint-Roch.
    En regardant dans sa paume l’empreinte à fleur de
sang, elle ressentit une flambée d’anxiété inexplicable.

14
La nuit de la Saint-Roch
    Exécution de la truie infanticide à Falaise.
    Devant l’échafaud, tous les cochons et porcelets du
comté étaient réunis, poussant des grognements épouvantés par le crime de leur
sœur ; et sous les insultes de toute la population de la ville, le
bourreau lui fendit la cuisse d’un coup de hache, car il était dit qu’elle
avait dévoré celle de l’enfant, et pour ce qu’elle l’avait aussi mangé au
visage, il lui trancha de même le groin, et appliqua sur la plaie un masque à
figure humaine. Puis l’habilla d’une veste, d’un haut-de-chausses, et de gants.
    Ensuite, il la pendit par les pattes de derrière, et
elle trépassa avec des cris de bête après une longue et cruelle agonie bien
méritée.
    Afin que nul n’oublie, le juge ordonna que l’image de
l’exécution soit peinte sur un mur intérieur de l’église.
    Ce fut le silence qui réveilla Catherine de Fastatavin.
Elle avait encore eu un léger malaise. Ozanne lui avait donné une potion qui
devait lui apporter soulagement et sommeil.
    — Isabelle ?
    Elle appela encore. Tout était silence. Elle se
précipita vers les fenêtres. La cour haute était déserte. Les ombres s’étiraient
sous les murailles, il devait être fort tard dans l’après-midi, le soleil
déclinait. Elle appela à nouveau avec angoisse, sachant que c’était en vain :
    — Isabelle ? Isabelette ? Où es-tu ?
    Elle le savait… Mais non, il n’était pas possible
que le besoin de galoper ait été plus fort que le danger. Elle hurla encore son
nom. Une chambrière accourut dans le roulis de ses jupons.
    — Où est Isabelle ?
    — Avec monseigneur d’Orléans.
    — Certes, mais où sont-ils ?
    — Est-ce que je sais ? Ils sont partis
vers les écuries. (Elle hésita.) Je n’écoute pas aux portes, je vous l’assure, mais
j’ai entendu qu’ils allaient galoper en campagne.
    — Où est Ozanne ? demanda encore la chambellane.
    — Dans les jardins, à ramasser des simples.
    Catherine courait déjà retrouver la demoiselle de Louvain.
    *
    Fascinée, Isabelle suivait des yeux la harde de
cerfs qui traversait l’allée forestière. Même en Bavière, elle n’en avait vu de
si belle, de si fournie. Elle retenait son souffle, comme Alezane semblait
retenir le sien pour ne pas effrayer ces fugitifs animaux.
    Louis souriait. La reine était heureuse, et c’est
à lui qu’elle le devait.
    La forêt royale de Vincennes était vaste et
profonde, giboyeuse, primitive. Au hasard des sentiers, ils avaient découvert
un site de charbonniers où fumaient nonchalamment les meules à charbonnettes, entourées
d’hommes hirsutes, noirs comme la suie, noirs comme l’enfer. Orléans, qui
arborait les fleurs de lys sur son pourpoint le plus ostentatoire, s’était
placé au côté d’Isabelle qui s’alarmait de ces êtres sauvages, tandis qu’ils
contournaient la clairière. La main sur le pommeau de son épée, il lui faisait
un rempart de son corps.
    Les hommes du charbon n’avaient pas bronché, les
suivant seulement de leurs yeux rougis. Louis était fier de son courage, et le
cardinal de Laon avait raison : qui oserait s’attaquer aux fleurs de
lys ?
    Tout à ses vanités juvéniles, il ne s’avisa jamais
qu’ils étaient suivis par trois cavaliers qui appartenaient justement à la
garde de son précepteur, ceux-là mêmes qui avaient pris les ordres de ce
dernier en fin de matinée. Des hommes d’armes curieusement accoutrés : deux
étaient plus armurés de noir que charbonniers et le troisième portait la cotte
au fuselé d’argent et d’azur de Bavière. Étrange compagnonnage de faux
Têtes-Noires et d’un soi-disant soldat aux couleurs de la garde personnelle de
la reine.
    *
    Catherine n’eut pas besoin de chercher Ozanne, qui
s’en revenait en compagnie d’une servante ; elles portaient chacune un
large panier d’osier plein d’herbes folles.
    Le regard pâle de la demoiselle de Louvain
prit la dureté de l’agate alors qu’elle

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