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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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de te serrer dans ses bras pour se remplir tout entier de ta chaleur, de ta lumière et de ce parfum de ta peau qu’il n’a sans doute, comme moi pour Jeanne, jamais oublié.
    Son aplomb aurait dû apaiser Hélène. Pour autant, son cœur battait à ses tempes et rien ne le voulait calmer.
    Lorsque la porte s’ouvrit pour laisser entrer son père, elle crut défaillir. Plus encore quand il annonça d’une voix tranquille :
    — Il est arrivé…
    *
    En ce dix-neuf novembre de l’an de grâce 1494, une flamme s’était réveillée dans les yeux du prince Djem. Une flamme qu’il avait imaginée perdue depuis qu’il avait été dépossédé de son trône par son frère Bayezid, depuis que la Rome des Borgia, décadente et féroce, l’avait arraché à ses précédents geôliers, les chevaliers de l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean. Une flamme qui s’était mise à grandir, à danser dans le miroir accroché au mur de sa chambre somptueuse tandis qu’il enroulait le turban sur son crâne. Il s’était pris à sourire à son reflet. Puis au billet qu’on lui avait porté ce matin et qu’il avait posé juste à côté, sur la tablette dorée à l’or fin.
    Un simple billet qui effaçait tout le reste. Humiliation, déception, trahison, solitude, angoisse, tristesse. Et même le temps perdu.
    Quelques lignes d’une écriture fine et parfumée :
    « Je n’ai jamais cessé de vous aimer. Et vous le prouve. Soyez à sexte, palais Altemps. Hélène. »
     
    Mais à présent qu’il était là, si près d’elle, dans cet élégant cabinet aux tentures rabattues devant la croisée pour les protéger des regards indiscrets, le doute l’oppressait. Malgré l’accueil chaleureux de Jacques de Sassenage.
    Son vieil ami l’avait étreint longuement, avec la même émotion fraternelle, avant de s’écarter pour aller chercher Hélène, le laissant seul avec ses mains moites et son oppression.
    L’aimerait-elle toujours en le voyant tel qu’il était devenu ? Plus lourd, plus marqué, plus aigri… Aurait-elle le goût de lui rendre celui de la vie ? Elle qui en débordait ?
    La porte s’ouvrit sans bruit et elle se glissa dans la pièce, comme une ombre qu’il avait crayonnée cent fois dans ses pensées.
    L’un et l’autre la gorge serrée, les yeux humides, le corps brûlant. Elle avança d’un pas, lui de deux. Ensuite, ils cessèrent de compter. D’avoir peur. De trembler.
    Leurs mains se cherchèrent. Leurs bras s’enroulèrent. Ils s’enlacèrent avec la même urgence.
    Lorsque leurs lèvres se trouvèrent presque brutalement d’autant de temps gâché, ils n’avaient pas seulement eu l’idée d’échanger un seul mot.
    *
    Sidonie était une femme comblée. Elle était la dame d’un des plus beaux et riches castels du Dauphiné. Son époux, Jacques de Sassenage, l’aimait comme au premier jour, sa fille Claude, âgée de dix ans, grandissait en joliesse et en sagesse et les enfants de Jacques et de Jeanne, au nombre de six, étaient établis. Les garçons, Louis et François, auprès du roi reparti en guerre, les filles en ménage ou au couvent pour la dernière, Françoise, qui ne s’était jamais remise de la mort d’un des compagnons du prince Djem. Quant à Marthe, la Harpie qui l’avait si longtemps malmenée, Sidonie n’en avait plus entendu parler depuis le tragique assassinat d’Algonde.
    Oui, Sidonie était une femme comblée. D’attention, d’amour, de richesse et de beauté, malgré l’âge qui avançait. Sa seule tristesse venait de ses autres enfants. Les deux aînés qu’elle avait eus d’un premier mariage n’écrivaient ni ne la visitaient jamais, trop occupés à leurs affaires. Sidonie savait qu’ils n’avaient pas véritablement accepté ses frasques passées et lui battaient froid. Elle l’avait admis, même si elle en souffrait. Ce qu’elle supportait moins, c’était de n’avoir plus de nouvelles de son troisième fils, Enguerrand, qui s’était un jour décidé pour l’aventure. Si l’on exceptait une lettre de change que Jacques avait payée alors qu’Enguerrand se trouvait en Sardaigne, cela faisait rien de moins que neuf ans qu’il avait disparu sans laisser de traces.
    Faire le deuil de quelqu’un sur la tombe duquel on a pleuré est toujours difficile, mais moins que d’attendre jour après jour un être dont on redoute qu’il ne revienne jamais.
    Sidonie était une femme comblée. Mais au fond d’elle-même lui manquait

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