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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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manquait des hommes pour véritablement constituer une bande capable d’autre chose que de s’attaquer à des poulaillers. Sur les douze qui avaient pris fait et cause pour elle, cinq avaient disparu moins de deux semaines après leur installation. Fanette n’était pas dupe. S’ils s’étaient fait prendre, elle l’aurait appris. Les sbires du prévôt qui battaient la contrée se chargeaient toujours de faire circuler l’information d’une pendaison pour saper le moral des autres. Non. Fanette le savait bien. Voyant qu’elle se gardait d’en installer un dans sa couche, ils avaient compris n’avoir guère d’avenir à ses côtés. Ils avaient rejoint Villon, sous un prétexte quelconque. Et ce chien, trop content, leur avait pardonné.
    Ce dix-huit novembre, alors qu’assise en surplomb du campement elle gardait l’œil sur la broche qu’un nommé Blanchet, fameux cuisinier, faisait tourner au-dessus du feu, Fanette comprit que la fumée montait haut et les dénonçait plus sûrement qu’un mouchard.
    C’est ainsi qu’elle conçut sa vengeance.
    Dès le lendemain, un froid sec s’abattit sur la contrée. En quelques heures, les arbres achevèrent de se dépouiller sous les assauts d’un vent furieux. Combien restait-il de temps avant qu’ils soient contraints d’hiverner ? Un mois tout au plus. Ensuite, les sentes deviendraient impraticables et il ne faudrait plus compter sur des chargements isolés. Fanette n’était pas de taille à brigander les grands axes. La saison ne se prêtait pas non plus à recruter et, objectivement, elle n’avait pas assez de provisions pour passer l’hiver. Certes, ses compagnons occupaient leurs journées à braconner pour avoir de la viande à fumer, mais ils n’étaient pas les seuls, et devaient se méfier des veneurs qui risquaient de les surprendre. Sans compter qu’ils commençaient eux aussi à se rendre compte de la situation. À plusieurs reprises, elle les avait entendus se plaindre entre eux. Combien resteraient à ses côtés lorsque la région tout entière serait prise dans la neige ? Un, deux peut-être. Elle n’était pas d’un caractère facile. Et les années avaient émoussé son potentiel de séduction. Au printemps, elle serait seule. Et seule, elle n’était rien. Il était temps de changer de métier.
    Elle attendit qu’ils fussent tous partis relever leurs pièges et quitta la grotte à son tour. Mais au lieu de s’inquiéter des siens, elle dévala les bois en prenant garde de zigzaguer suffisamment pour s’éloigner sans donner l’alerte. Elle mit la journée à atteindre son but, mais elle ressentit une pointe de satisfaction en l’apercevant au loin sur la motte, octogonal, fier et altier.
    Le château de la Bâtie.
    Si elle jouait finement, avant qu’il soit longtemps, Fanette serait de retour chez elle, à Sassenage, et ses parents qui la croyaient noyée depuis dix ans ne demanderaient qu’une chose : justice pour ce qu’elle leur aurait raconté.
    *
    — Comment suis-je ? demanda Hélène en lissant les pans de sa robe rehaussée d’hermine aux manches et au col.
    — Sublime, lui confirma Aymar en lui prenant les mains avant d’ajouter, un rien moqueur : Cesse donc avec cette toilette, tu vas finir par l’user !
    Hélène n’entendit pas. Dix fois elle était revenue devant son miroir pour s’assurer de sa beauté. Une onzième n’y suffirait. Elle plaqua un doigt sous ses yeux cernés par le voyage qui les avait vus descendre le Rhône en bateau, puis embarquer pour Ostie aux mains des alliés du roi Charles de France, cheminer jusqu’à Rome et pour finir se frayer un chemin dans ses rues mal famées.
    — J’ai des rides. Là. Et là aussi. Regarde ces pattes-d’oie. Oh, seigneur Dieu, que va-t-il penser ?
    Aymar se glissa derrière elle.
    — Crois-tu donc qu’il s’inquiétera de si peu ? Lui aussi a vieilli, davantage que toi sûrement.
    — C’est différent. Sur vous les hommes, l’âge n’a pas de prise.
    Aymar éclata d’un rire sonore.
    — J’en suis flatté, mais pas aveugle, et juge mes traits avec autant de sévérité que tu le fais. À une exception près…
    La prenant par les épaules, il l’arracha à sa critique et la fit pivoter.
    — … je suis convaincu qu’il ne verra pas davantage les marques du temps sur toi que je ne les ai remarquées sur ta mère lorsque je l’ai enfin retrouvée. Crois-moi, Hélène. Il ne s’inquiétera que d’une chose, c’est

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