Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
réveils.
    Le cœur de Djem s’emballa.
    — Je veux te donner des fils, Hélène. Et faire avec toi, enfin, le deuil de celui que nous avons perdu.
    La marée monta d’un coup dans les yeux de la dame de Bressieux, déborda leurs digues. Djem la serra contre lui avec toute la force du souvenir et la douceur de son amour.
    — Tu es devenue ma terre nourricière, Hélène. Mon unique pays. Et je m’en contenterais si tu refusais le trône que je t’offre.
    Dans un sanglot, elle s’écarta vivement, secoua la tête et hoqueta, bouleversée :
    — Je suis ici pour faire annuler mon mariage par le pape. Je suis ici pour toi et toi seul. Rien ne nous séparera plus, mon aimé. Je chevaucherai à tes côtés pour guerroyer contre ton frère. J’apprendrai à me battre, j’apprendrai à tuer, j’apprendrai la peur et la confiance s’il le faut, mais je le jure devant Dieu, je serai ta sultane, Djem… Je serai ta sultane.
    *
    Enguerrand de Sassenage s’amusait beaucoup du manège de ces dames. Il avait suffi de quelques minutes pour qu’elles dévalent les escaliers de l’église, et se pressent avec curiosité autour de ce couple inattendu. Enguerrand se doutait que l’espace d’un instant, le curé avait, comme elles, frémi à la pensée d’une histoire d’adultère. S’empressant de les détromper, Sidonie s’était fendue d’un éblouissant sourire.
    — Mon fils. Mon fils est revenu !
    L’abbé Mancier avait réagi le premier. Se signant deux fois, il s’était exclamé :
    — Seigneur Jésus ! Messire Enguerrand !
    La suite n’avait été qu’une succession de petits cris, de pâmoisons et de questions, pendant que Sidonie l’entraînait vers le corps de logis. Enguerrand n’avait répondu à aucune sinon par quelques onomatopées qui donnaient autant de mystère à sa disparition qu’à son retour.
    Du coup, le chevalier se retrouvait là, dans la salle de réception, presque poussé dans ce faudesteuil, et examiné sous toutes les coutures par ces dames qui se souvenaient brusquement de lui bien davantage qu’il ne se les rappelait. Comme Sidonie qui irradiait de lumière, il eût aimé les chasser telles des mouches importunes, savourer ces retrouvailles en tête à tête. Mais s’enfermer avec sa mère n’aurait fait que renforcer l’intérêt qu’on lui portait. Il jugea que le moment était venu de donner à son aréopage de quoi nourrir la curiosité de cour qui ne lui avait pas manqué au cours de ces dix dernières années.
    Se dressant d’un bloc, il réclama le silence d’un geste large.
    — Suffit, vous me pressez de détails quand j’ai pour vous plaire une longue histoire à vous conter. Faites donc cercle confortablement, mesdames, et vous aussi, mon père. Quant à toi, ma chère, si chère mère, viens à mes côtés sur cette estrade.
    Il s’installa sur un des coussins qui adoucissaient le bois de l’assise, laissant l’assistance s’asseoir sur ceux qui jonchaient le sol à la manière turque, vestige d’un temps où le prince Djem avait séjourné à la Bâtie.
    Le silence tomba. Les yeux pétillaient. Enguerrand enleva la main de sa mère et embrassa sa paume, heureux de retrouver avec son parfum léger une part d’enfance. Un regard échangé, complice. L’impatience d’une explication qu’il était prêt à donner, mais, pour l’essentiel, en privé.
    Enguerrand de Sassenage prit une profonde inspiration et, sachant d’avance l’effet qu’allait produire son annonce, laissa tomber sans la moindre fierté :
    — Si je n’ai pu vous écrire, mère, c’est que je reviens de fort loin, d’une terre vierge, d’une terre à explorer.
    Déjà des doigts étouffaient la surprise sur les lèvres rosées, des respirations se suspendaient.
    — J’ai rencontré le sire Colomb il y a de cela de nombreuses années. Ensemble nous avons rêvé de terres nouvelles et, avec l’aide de Dieu et de Leurs Majestés Ferdinand et Isabelle d’Aragon, nous les avons trouvées.
    Dans les heures qui suivirent, Enguerrand donna avec force détails le récit de son épopée.
    Des mois durant, l’horizon d’azur à perte de vue. La peur qui succède à la témérité, à la confiance face à l’absence de vent. La mutinerie à bord des caravelles. La force de Colomb, convaincu de son fait. Son serment de céder le contrôle de la flotte aux marins si le lendemain rien n’a changé.
    La tension, extrême. Et puis soudain, comme un signe du ciel, un

Weitere Kostenlose Bücher