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En ce sang versé

En ce sang versé

Titel: En ce sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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Ton soutien te ferait-il défaut ? Oh, ce n’est guère aimable, ironisa cadet-Venelle. Allez, convoque une apparition, une grande bête velue à cornes, queue de serpent et sabots de bouc. N’oublie pas l’odeur méphitique.
    — Le diable mon maître existe, tu regretteras !
    — Je suis bien convaincu de son existence. Mais il est beaucoup plus intelligent et rusé que tu ne le crois, pauvre privé de sens. Tu voulais la vie éternelle ? Tu vas avoir une mort effroyable, comme celle que tu as dispensée à ces fillettes. Célestin, mes bouchettes et la tige, je te prie.
    Le jeune garçon déposa dans la main tendue deux petits cylindres de cuir et une large tige de métal, recourbée en angle droit. M. Justice de Mortagne expliqua à Silplessis :
    — Si je te demande d’ouvrir benoîtement la bouche afin de t’arracher la langue, pour que n’en sorte plus de venin ni de répugnantes menteries, tu ne m’obéiras pas, n’est-ce pas ? Je comprends, c’est horriblement douloureux. Ceci va m’aider.
    Le prisonnier déglutit, sa superbe disparue. Il demanda en butant sur les mots :
    — M’arracher la langue ?
    — En effet. Ne t’inquiète, ton maître va te secourir. Allons, allons, cessons ces puérilités ! Évite-moi les pleurs. Ils ne me bouleversent que dans les yeux des dames. Qu’est-ce qu’une langue ? La belle affaire, en vérité. Célestin, tu peux sortir. Je te hélerai si j’ai usage de toi.
    Le jeune garçon ne se fit pas prier et décampa en précisant :
    — Je me tiens derrière la porte, messire exécuteur… Euh… le merci.
    Hardouin enfonça d’un geste précis les bouchettes dans les narines de Silplessis puis se dirigea vers la table aux instruments et récupéra une lourde pince plate. Inutile de se fatiguer. L’autre suffoquerait vite et entrouvrirait la bouche. Ce qu’il fit alors que son visage virait au cramoisi. Il prit une énorme inspiration et Hardouin glissa la tige coudée dans sa bouche, grâce à laquelle il entrouvrit les mâchoires de l’homme qui tentait de se débattre, se tordant, maintenu par ses chaînes.
    Un rugissement emplit la salle de Question lorsque Hardouin tira de toutes ses forces la langue prisonnière de la pince. Il contempla l’organe sanglant et se rapprocha de l’âtre afin de l’y jeter en précisant :
    — Je crains de rendre malade un chien des rues.
    Le sang dévalait de la bouche d’un Silplessis qui sanglotait, hoquetait, maculant son torse nu. M. Justice de Mortagne plaqua sans ménagement sa main sur le sexe de l’homme, s’étonnant :
    — Ma foi, mais qu’est-ce ? Aussi flasque qu’un limaçon 29 , j’en ai peur. Ne paradais-tu pas en expliquant au tribunal combien roide était ton membre lorsque le sang des fillettes égorgées dévalait sur ta poitrine ? Où donc est passée ta virilité ? Remarque, elle ne te servira plus de rien.
    Une sorte de grognement, un long râle. Enguerrand de Silplessis le fixait, le regard fou, terrorisé.
    — Comprends-tu maintenant ? Malfaisant insensé. Abject scélérat. Passons à l’exécution de la sentence pour viols, sévices et assassinats d’enfantes. L’émasculation. Repens-toi 30  !
    Les larmes dévalèrent sur les joues collées de sang de celui qui avait cru se trouver au-dessus des lois humaines et, plus grave, au-dessus de celle de Dieu.
    — On est beaucoup moins faraud, dirait-on ? Rassemble le peu d’honneur qui reste en toi afin de mourir dignement. Les larmes de tes petites victimes te réjouissaient ? Les tiennes ne me font ni chaud ni froid.
    Hardouin tira le lien de ceinture des braies 31 de prison du condamné. Le vêtement chut à ses pieds enchaînés. Des convulsions de panique secouèrent l’homme, son corps s’arc-boutant. Le cliquettement des chaînes se mêla à ses plaintes incompréhensibles.
    — Rends grâce au tribunal. Ta sentence est exécutée en murus strictus , et tu seras décapité et non point poussé sur le bûcher, à l’instar des sorciers de ton espèce, par respect pour ceux qui portent ton nom.
    M. Justice de Mortagne tira sa longue dague du fourreau et se pencha.

    Le jour déclinait déjà lorsque Fringant, monté par Hardouin avec Célestin en croupe, se fraya un passage au milieu de la foule massée devant le chafaud, en dépit d’un froid humide qui glaçait les os. Elle s’écarta pour livrer passage à l’étalon de nuit, au pas lent et péremptoire. M. Justice de Mortagne lut pour la

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