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En ce sang versé

En ce sang versé

Titel: En ce sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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contagion.
    Hardouin cadet-Venelle, flanqué de Célestin, dévala les marches de pierre qui menaient aux geôles, creusées en sous-sol du château. La lumière de ce début d’après-midi filtrait par les soupiraux et les guida dans la pénombre épaisse. Hardouin se souvint du très jeune homme qu’il avait occis prestement ici, quelques semaines plus tôt, par mansuétude. Il revit la mère dévastée à l’idée que son fils parricide serait martyrisé et exécuté pour l’avoir voulue protéger des coups mauvais d’un mari ivrogne et violent. À cet instant précis, un souffle tiède avait caressé la nuque gainée de cuir du bourreau. Il s’était convaincu que Marie de Salvin venait au secours du jeune homme 24 . Comment s’appelait-il, celui dont il avait rompu les vertèbres pour lui éviter la souffrance ? Il avait oublié. Aucune importance.
    Un garde se porta vers eux, levant son esconce 25 . Respectueux, il s’enquit :
    — Messire Justice ? C’est rapport au sieur de Silplessis ?
    — En effet. Mène-nous, je te prie.
    Le garde les précéda dans le couloir en terre battue, au plafond voûté. Ils longèrent des alcôves exiguës taillées dans la roche, dans lesquelles un homme ne pouvait se tenir debout. Le garde précisa :
    — J’las traîné dans la salle de Question. Y m’a proposé une ronde somme si j’le laissais échapper ou même si j’lui prêtais une lame afin qu’y s’finisse avant votre arrivée. Mais j’vas pas accepter d’l’argent du démon !
    Il cracha par terre. Hardouin retint la réflexion perfide qui lui montait aux lèvres : « D’autant que tu ne voyais guère comment il pourrait te payer ! » Que lui en chalait ? L’autre, un peu déçu de ne recevoir aucun compliment sur sa probité contrainte, reprit :
    — C’t’une idée à moi. Pour vous éviter la tâche et rapport aux cris.
    — Oh, monsieur Enguerrand de Silplessis est d’éducation et s’efforcera de ne point nous casser les oreilles.
    Parvenu devant l’épaisse porte renforcée de clous et de traverses, Hardouin expliqua :
    — Merci de ton aide, l’homme. Silplessis étant détenu en murus strictus 26 et au secret, nous pénétrons seuls.
    — Oh ben, on s’cherchera pas querelle à c’sujet ! J’ai point trop envie de côtoyer ce suppôt d’Satan. J’suis pas loin. En cas d’besoin, z’avez qu’à beugler. Ah, j’as lancé le feu avant sexte. Faut du temps pour obtenir d’bonnes braises.

    Torse nu, Enguerrand de Silplessis se tenait debout contre le mur, les bras levés, les poignets entravés par de courtes chaînes scellées aux pierres, tout comme les chevilles. Un sourire conquérant flottait sur ses lèvres. Il s’exclama d’un ton railleur :
    — Ah, le bourreau, enfin ! J’ai failli attendre, l’homme.
    Hardouin ne répondit rien, indiquant d’un geste à Célestin de poser la bougette qu’il portait. Il passa en revue les instruments alignés sur une table, poussée non loin de l’âtre, dans lequel rougeoyait un feu nourri.
    — Monsieur de Silplessis, attelons-nous à la tâche sans plus tarder.
    — Pauvre larve, roupie 27 , cracha l’autre avec mépris. Tu crois me faire peur ? Mais tu ne peux rien contre moi. Rien ne m’effraie car rien ne peut m’atteindre. Je dispose de soutiens dont tu n’as même pas idée.
    — Le diable ? pouffa M. Justice de Mortagne.
    — Tu ferais mieux d’abandonner ton air de suffisance. Tu ne connais point l’étendue de ses pouvoirs.
    — Si, inexistante. Je l’ai constaté maintes fois sur ma table. Sais-tu pourquoi, l’homme ? Qu’aurait à faire le diable des âmes véreuses, pourries qui s’offrent à lui puisqu’il est assuré de les récupérer sans effort ? Pourquoi donc les payer ? Le diable cherche à séduire les âmes pures, même si les déchets tels que la tienne le distraient. Veux-tu que je te le prouve ?
    Sans même attendre la réponse, il saisit du bout d’une longue pince une des braises rouge blanc amassées sur la grille posée sur les landiers 28 . Il traversa la pièce en quelques enjambées et l’appliqua fermement sur la joue de Silplessis. Un hurlement de bête. Une odeur de chair brûlée s’éleva. Hardouin proposa d’un ton affable :
    — Allez, une autre. Je te laisse le temps d’une incantation à ton maître.
    Une autre braise carbonisa l’épaule dénudée d’Enguerrand de Silplessis. Son hurlement se termina dans un sanglot.
    — Ah ça ?

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