Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
En ce sang versé

En ce sang versé

Titel: En ce sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
Vom Netzwerk:
mains dans les larges manches de sa robe de légiste afin de les réchauffer un peu et s’étonna de la sécheresse de sa peau.
    Il termina sa soupe épaisse aux raves et au pain rassis, puis avala quelques beignets de fruits secs. Il repoussa le plateau et aligna devant lui les poids en galets de bronze qui lui servaient à aplatir les rouleaux des missives. Sa collection d’aimables enfantes de très haut lignage venait de s’enrichir de la Castille, de la Savoie, de Parme et de l’Écosse, bref, tout sauf le royaume Anglois.
    Guillaume de Nogaret, sans en avertir le souverain, se préparait – sans doute prématurément – à l’annulation pour infécondité du mariage unissant Isabelle de Valois et le futur Jean III. Le moment venu, il voulait être prêt à proposer une nouvelle épousée qui fût du goût et de l’intérêt de la France. En plus de ceux du futur duc de Bretagne, puisqu’il convenait de songer aussi à lui. Calculant au plus juste afin de n’être pas pris de court, Nogaret avait évalué la surveillance du ventre de Mme Isabelle à deux ou trois années supplémentaires. Si elle n’était pas grosse d’ici là, maîtresse Émeline Coignard devrait évoquer avec sérieux une probable stérilité devant la famille de Bretagne. Ensuite, la procédure d’annulation, hâtée pour raison d’État, durerait environ un an, peut-être un peu moins. Il se faisait fort de souffler à l’oreille du pape Clément V que tout retard serait fort mal interprété par Philippe le Bel et Arthur II.
    Il lut les descriptions élogieuses, voire enflammées, des différents ambassadeurs ou émissaires royaux au sujet des jeunes donzelles. Nogaret avait précisé qu’il les souhaitait âgées d’environ onze à treize, voire quatorze ans, ce qui laissait présumer d’un mariage à quinze ou dix-huit, une perfection puisque Jean serait alors âgé de vingt-quatre ans. Nogaret se méfiait du lyrisme ampoulé de ses correspondants, qui avaient intérêt personnel à arranger un mariage ducal de la plus haute importance. Ces pourvoyeurs d’épouses en espéraient, à l’évidence, une gratitude en espèces sonnantes et trébuchantes. Il s’efforça donc de lire entre les lignes.
    « Belle tel un astre levant, d’admirable composition, pieuse, sachant lire le latin, elle enchante ceux qui ont le privilège de l’approcher… Sa petite bouche carmine, ses pommettes hautes et son nez court et droit en font un bonheur des yeux… » certifiait l’ambassadeur de Castille au sujet d’Isabelle 1 , fille aînée du roi Sanche IV et de Marie de Molina.
    Le madré ! Isabelle de Castille avait trois ans de plus que Jean, plus une oiselle de printemps, d’autant qu’elle avait été mariée à l’âge de huit ans à Jacques II, roi d’Aragon. Le mariage avait été annulé dix ans plus tôt, au prétexte de non-consommation. En réalité, Jacques II se cherchait une autre épouse de nature à favoriser ses visées politiques et militaires.
    Il relut la description que l’émissaire de France à Parme faisait de Blanche Visconti, petite-fille de Mathieu 1 er Visconti, dit Le Grand, seigneur de Parme et de Milan.
    « Âgée de tout juste quatorze ans, d’une nature d’ange, férue de poésie, traçant admirablement le grec et le latin, parlant sans une trace d’accent le français, pieuse et bonne, elle brode et joue telle une fée de la citole 2 et de la guiterne 3 … »
    En d’autres termes, une laideronne, puisque l’émissaire apportait un soin extrême à ne pas en brosser un portrait physique !
    Il poursuivit sa lecture, assez satisfait. Il avait là trois ou quatre prétendantes éventuelles au titre de duchesse de Bretagne. Ne restait que la phase la plus épineuse de son plan à mettre en œuvre : la requête d’annulation de mariage. Un sourire perfide, mais gourmand, étira ses lèvres minces lorsqu’il songea à la fureur et à la déception du gros Charles de Valois. Le conseiller allait vite suggérer, en habileté, à Arthur II ou même à l’intéressé premier, Jean, que la Bretagne ne pouvait rester sans descendants mâles en droite ligne, afin d’éviter des cupidités ou un morcellement du duché lors de litiges de succession. Certes, le temps ne lui faisait pas encore défaut, mais ces gentes damoiselles ne resteraient pas filles éternellement.

    Nogaret souleva d’un geste rapide les galets de bronze et regarda, amusé, les missives s’enrouler sur

Weitere Kostenlose Bücher