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En ce sang versé

En ce sang versé

Titel: En ce sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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mimant le Nicol d’avant, celui qui avait déjà trépassé sans que je m’en aperçusse. J’ai cru retrouver mon cadet, m’en réjouissant, alors qu’il n’était qu’un pauvre fantôme en fin d’agonie. Deux ans jour pour jour après le meurtre, j’insiste le meurtre …
     
    — Le… mot terrible est souligné d’un trait de plume, précisa Hardouin avant de reprendre.
     
    … le meurtre d’Hermione de Tisans par son immonde sœur Henriette, j’ai retrouvé Nicol pendu dans sa chambre. Il avait abandonné un court message sur sa table de toilette : « Ma mie, mon immense amour, mon épouse, mon ange charmant, j’arrive. De grâce, accueillez-moi, bras larges ouverts. Votre Nicol, pour l’éternité. Enfin. » Le message fut par moi confié à Sylvine.
     
    — Je le détiens toujours. Il vous revient, messire de Tisans, implacable rappel.
     
    J’erre depuis. Le vin, ce faux ami, me trahit de plus en plus. Je ne parviens plus à oublier, à sombrer dans un bienvenu sommeil d’inconscience. Au fond, je dois toutes ces années de douloureuse survie à Henriette de Tisans, puisque je fis le serment, en allongeant mon frère sur sa couche, qu’elle paierait pour ses impardonnables forfaits.
    Elle a eu terriblement peur, elle a souffert et je m’en réjouis, pendant que j’abattais la discipline sur son dos. Il ne s’agissait plus des coups mollets qu’elle se destinait pour laver sa conscience à peu de frais, à moindre douleur. Croyait-elle vraiment que prononcer ses vœux effacerait son ardoise à mes yeux ? Femme-vipère et moniale impie, elle me cracha soudain, dans cette cave dont je l’allais libérer, après avoir obtenu d’elle amende sincère et honorable : « Elle ne l’aura pas eu ! Elle n’aura pas joui de Nicol ! Pensait-elle pouvoir me le voler, toujours obtenir ce qu’elle désirait ? Je la détestais. Je la déteste, je l’exècre ! Il eût été injuste qu’elle continuât de vivre. L’ineffable soulagement lorsque son corps immergé a faibli sous mes mains. Si Dieu l’a permis, c’est que je n’en suis pas coupable. »
    J’ai ramené le cadavre de la monstresse à l’abbaye afin que tous sachent qu’elle avait trépassé, et que certains comprennent pour quelle raison. Lorsque je l’ai jetée à bas de sa haquenée, je suis tombé à genoux, ressentant à mon tour un ineffable soulagement.
    Je m’accuse d’avoir tué Henriette de Tisans et je n’en éprouve aucun remords. Je n’ai requis l’aide d’aucun complice. Je crois, sans certitude, que madame de Tisans, qui adorait Hermione, dénoua peu à peu l’écheveau de cette effroyable affaire et que le chagrin qu’elle en conçut hâta sa fin.
    Je ne regrette rien. Je vais rejoindre, enfin apaisé, ceux que j’ai tant aimés.

    Inspirant avec peine, Tisans se leva lentement, en s’aidant du rebord de la table. Redoutant un accès de fureur meurtrière envers Sylvine, Hardouin cadet-Venelle se prépara à intervenir. Au lieu de cela, le sous-bailli fixa la fausse mendiante et déclara d’une voix d’outre-tombe :
    — Pourquoi faut-il, madame, que je sois certain d’avoir entendu la vérité, si assassine se révèle-t-elle ? Je ne sais… je ne peux… Je suis égaré. Venelle, je sors m’aérer, la tête me tourne et mes jambes faiblissent. Mon cœur me blesse. Peut-être à Dieu, madame.
    Un silence suivit son départ. Hardouin avala son gobelet d’un trait et se resservit sans attendre permission. Sylvine l’imita et s’essuya les lèvres d’un revers de manche avant d’expliquer, en ravalant ses larmes :
    — J’ai frappé à la porte du manoir. Louis ne répondait pas. J’ai emprunté son cheval, ainsi qu’il m’arrivait parfois, afin de vous suivre. Pas un instant, pas une seconde je n’ai pensé qu’il avait mis terme à sa vie, avant de prendre connaissance de sa missive.
    L’écho d’un galop surprit M. Justice de Mortagne. Tisans était parti comme on fuit.
    — Contez-moi la venue d’Henriette, durant la tournée d’aumônes. Vous aviez égorgé une oie durant le Carême.
    — Savoureuse, et quel bouillon gras ! Vois-tu, beau seigneur, je doute que Dieu s’inquiète que j’aie rompu le maigre quand je suis coupable devant Lui d’une si vile action. Henriette ne m’a point reconnue. Après tout, je n’étais qu’une servante de leste cuisse à ses yeux, de bien commun prénom, et cette affaire remonte à plus de quatorze ans. D’autant que mon

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