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En ce sang versé

En ce sang versé

Titel: En ce sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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récent rôle de vieillarde pauvresse me va tel un gant de belle facture. Elle s’est imposée pour la nuit, m’avisant qu’elle se rendait chez un seigneur Louis d’Ayon au demain, et que je devais l’éveiller tôt. Dès qu’elle s’est assoupie, j’ai foncé 11 , au plein de la nuit, prévenir Louis.
    — Supputiez-vous qu’il…
    — Je me contre-moquais de ce qui pouvait advenir à cette démone en enveloppe de religieuse. Cependant, j’ai tant espéré qu’elle serait un jour contrainte de s’acquitter de sa terrible dette. Je suis satisfaite du mauvais heur 12 qui lui échut.
    — Mais… l’encombre ne l’étouffait-il pas ? Enfin, elle devait visiter le frère de Nicol ? s’étonna Hardouin.
    — Elle ? L’encombre ? ironisa d’un ton mauvais Sylvine. Vous ne la connaissiez pas. Sa morgue, son incroyable sentiment d’impunité, sa certitude qu’elle se trouvait au-dessus de tous, qu’elle avait juste raison… Au contraire, du peu qu’elle me conta, elle semblait satisfaite de revoir Louis d’Ayon. Songeait-elle à le narguer, lui démontrer qu’elle avait gagné malgré le rejet amoureux essuyé avec son frère ? C’était mal connaître Louis, certes homme d’honneur et de cœur mais rude et encore plus déterminé qu’elle.
    — Homme d’honneur ? contra Hardouin. Et l’argent des aumônes, ne l’a-t-il pas dérobé, même pour faire accroire à un crime de vaurien ?
    — Louis, voler ? Tu te fourvoies ! On ne mange pas de ce vil pain chez les Ayon, même lorsqu’on va le ventre vide !
    Hardouin se le tint pour dit.
    — Ce moineau aux serres plus redoutables qu’un aigle, était-ce elle, Henriette ? lui demanda-t-il, se souvenant de sa prophétie.
    — Non pas. Le don que j’ai reçu est si atténué, si flou, lointain. Mon aïeule, elle, parvenait à prédire la pluie à cinq jours ou une grossesse à deux ans. Des images se forment dans mon esprit, que je ne parviens pas à ordonner, à faire parler. Bah, cela me vaut quand même quelques belles pièces ! Des images le plus souvent inquiétantes, terrorisantes. J’ai vu… j’ai vu un frêle moineau se poser sur un œuf plus gros que lui et enserrer la coquille au point de la faire éclater. Je n’en sais pas davantage, mais il ne s’agissait pas d’Henriette.
    Parce que Marie se mêlait à Mahaut et ne lui quittait pas l’esprit, il insista :
    — Ai-je trouvé ce que je ne cherchais pas ?
    Le grand regard bleu glace se ficha au sien. Elle sourit :
    — Pas encore, seigneur de mort, pas encore. Je t’aime bien, tu sais. Tu me fais penser à une châtaigne. Hérissée de piquants, puis dure et pourtant si suave et tendre au-dedans. Préserve tes piquants, tu en auras besoin. Je suis si fatiguée, mon tout beau.
    Hardouin se leva. Elle le retint, les larmes dévalant de ses paupières sans qu’elle les sente :
    — Sache… Tu es l’artisan d’un miracle. Deux anges reposent ce jour côte à côte, en grande sérénité et en immense amour. Peu d’êtres peuvent se targuer d’une telle réussite. Sans toi, la vérité n’aurait pas été connue. Sans toi, elle eût été étouffée. Justice est rendue.
    — N’est-ce pas plutôt Louis d’Ayon qui la rendit ?
    — Aussi. Mais tu permis à Hermione de trouver la place qu’elle mérita toujours dans le cœur de son père, place que lui vola aussi Henriette. Tu imposas la vérité au grand jour. Je suis en paix. Enfin. Nos routes se séparent, beau seigneur, à Dieu. Qu’Il te garde toujours.
    1 - Possession directe des comtes du Perche, durant le règne des Rotrou. Attachée à l’époque à la seigneurie de Nogent-le-Rotrou.

    2 - De « cuir », a donné « curée ».

    3 - En ruine aujourd’hui.

    4 - Corniaud, de l’ancien français corne , « coin » : né aux coins des rues.

    5 - À l’origine féminin, en référence à « simple-médecine », le terme est maintenant le plus souvent masculin en référence à « médicament ».

    6 - Dans le sens de « comprendre ».

    7 - Torture durant laquelle on serrait les jambes de l’accusé entre des planches dans lesquelles on enfonçait des coins jusqu’à lui briser les os.

    8 - Torture durant laquelle on liait les pieds et les mains d’un accusé dans le dos pour le laisser tomber de tout son poids, la tête en bas suspendu au bout d’une corde.

    9 - Autre nom de l’alouette.

    10 - Dans ce sens, « dépuceler ».

    11 - Rappelons que, contrairement

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