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En ce sang versé

En ce sang versé

Titel: En ce sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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maison de la femme Sylvine Brochet.

    Le cœur d’Hardouin s’emballa lorsque se matérialisa devant eux la vieille mendiante au regard bleu glace. Un sourire narquois aux lèvres, elle lui lança :
    — Tu me cherchais, mon tout beau ?
    S’inclinant bas pour saluer en moquerie Tisans, elle annonça :
    — Sylvine Brochet, pour vous servir. Démontez que je vous offre le gobelet de bienvenue.
    Le sous-bailli jeta un regard surpris à l’exécuteur, s’enquérant à voix basse :
    — Qui est-ce ?
    — Une mendiante de Nogent-le-Rotrou qui s’est attachée à mes pas. Une sorte de devineresse ou de bonimenteuse à qui j’ai offert la pièce. Dieu du ciel… quelle charade, quel embrouillement ! Je n’y comprends goutte.
    — Bonimenteuse ? N’est-ce point le terme choisi lorsque la prédiction ne sied pas à qui la reçoit ? Eh bien, viens que j’éclaire ta lanterne. Votre lanterne, proposa la fausse quémandeuse.
    Il sembla à Hardouin qu’une peine vivace se tapissait sous sa goguenardise, sous ses railleries de façade.
    Ils démontèrent et la suivirent sans un mot, interloqués, menant leurs montures par la bride.

    Ils sortirent bien vite du village, qui se résumait à quelques maisons entourant l’église.
    — Attachez vos chevaux à la barrière. Ça ne craint rien, ici. Tout le monde me connaît. J’ai forte gueule et bons battoirs, précisa-t-elle en levant ses mains qui évoquaient bien davantage menues serres de moineau qu’armes redoutables.
    Ils pénétrèrent dans le jardinet d’une chaumière bien tenue. Un corneau 4 de taille moyenne, noir et feu, vint à leur rencontre, remuant son moignon de queue. Hardouin lui caressa la tête. Sylvine Brochet précisa :
    — Pas de mine, mais bonne chienne. Sa queue… un renard la lui a tranchée. Bah, il est plus là pour s’en vanter !
     
    La pièce principale, dallée de pavés jaunes de Perche, faisait office de cuisine et de salle commune. L’agréable tiédeur dispensée par la cheminée et l’odeur plaisante et douçâtre des bouquets de simples sèches 5 pendus aux poutres les environnèrent. Hardouin s’étonna de l’extrême tenue du lieu, en dépit de sa modestie. Les deux coffres qui se faisaient face luisaient d’une chaude patine de cire. Des coutes rembourraient les deux bancs qui flanquaient la table sur laquelle s’alignaient quatre esconces. Surtout, il remarqua les trois verres encerclant un cruchon.
    Elle parut lire ses pensées et déclara d’une voix presque douce :
    — Bien sûr, je vous attendais. Et depuis si longtemps. Assoyez-vous, j’ai tant à vous conter. Une très ancienne et très vilaine histoire. Ange gracieux. Elle repose enfin.
    Son regard d’oiseau de proie se fixa sur le sous-bailli. D’une voix redevenue sarcastique, quoiqu’impérieuse, elle se gaussa :
    — Messire de Tisans, belle réputation, belle noblesse. Vous n’êtes donc point homme à navrer une pauvresse, j’en gagerais, car ce qui va suivre ne sera guère de votre goût. Quelle importance, au fond, puisque j’arrive au terme de ma longue pénitence ?
    Arnaud de Tisans ouvrit la bouche, sans doute pour exiger des explications, mais elle l’interrompit d’un geste en intimant :
    — Assoyez-vous, j’insiste. J’attends depuis tant et tant d’années. Vous pouvez bien patienter quelques instants !

    En pleine incompréhension, ils prirent place. Elle alla récupérer un rouleau de missive sur le manteau de la cheminée et le poussa vers Hardouin. Trois feuillets glissèrent sur la table.
    — À toi l’honneur, beau seigneur, annonça-t-elle. Un gamin vient de me la remettre à l’heure prévue par Louis il y a cinq jours. Lis à haute voix, de grâce.
    Après un regard pour Tisans, Hardouin se pencha vers l’écriture un peu irrégulière, aux lettres parfois diluées dans des gouttes d’eau étoilées, des larmes. Il commença :
     
    À qui de parentèle.
     
    Je soussigné, Louis, Lucien, Marie d’Ayon, seigneur de Saint-Jean-Pierre-Fixte, m’accuse d’avoir étranglé, jusqu’à ce que mort s’ensuive, la vipère Henriette de Tisans. J’affirme ne pas avoir prévu ou véritablement souhaité cette fin. Cependant, mon âme n’en est point souillée. La mort n’était que juste rétribution puisque la maudite aura occis trois êtres, dont bientôt moi. Il me faut…
     
    Tisans s’était dressé d’un mouvement, manquant renverser le gobelet de vin que venait de lui servir Sylvine. Il

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