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En ce sang versé

En ce sang versé

Titel: En ce sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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à ce que l’on croit souvent, un homme en bonne forme parcourt la même distance par jour qu’un cheval, et ne va pas beaucoup moins vite sur une longue distance, surtout en cette époque où les chevaux étaient plus lourds.

    12 - Sort.

XXVII
    Nogent-le-Rotrou, décembre 1305
    H ardouin était sorti de la maisonnette, résistant à une sensation de vertige.
    Fringant, couvert d’une pellicule de neige, avait donné de la crinière en marque de plaisir.
    — Rentrons, compagnon.
    Soudain épuisé, comme s’il avait couru des heures, l’exécuteur s’était hissé avec peine sur la selle. Percevant la tempête d’émotions qui faisait rage en son maître, l’étalon noir s’était mis au pas, réglant son allure et sa foulée afin de ne pas le désarçonner.
    Un moineau… Un frêle, charmant et infatigable oiseau. Qui avait déjà utilisé cette métaphore à propos d’un être ? Et qui ? Luttant contre un étrange et brutal assoupissement, il murmura à l’oreille du grand étalon noir :
    — Je compte sur toi, valeureux ami. Tout droit. En Nogent-le-Rotrou.
    Qui était ce moineau aux serres redoutables ? En dépit de son étourdissement, Hardouin sentait l’extrême importance d’une réponse à cette question. Luttant contre la pâmoison d’épuisement qui lui faisait papilloter des paupières, il se redressa sur la selle, inspirant goulûment l’air glacial. De maigres flocons de neige fondaient sur ses joues et son front enfiévrés.
    Lorsqu’il parvint à l’entrée de Nogent-le-Rotrou, sa vie en eût-elle dépendu qu’il eût été incapable de se souvenir de son périple.
    Après une brève caresse, et quelques mots de remerciements pour l’avoir mené sain et sauf, il abandonna Fringant au valet du loueur de chevaux et d’attelage qui s’inquiéta :
    — Ah ça, messire ? Couvez-vous une fièvre ? Un bon lait de poule 1 , au lit, et ce sera souvenir au demain.
    — De juste, l’ami.

    Il se retrouva, sans trop savoir comment, devant l’auberge de la Hase Guindée.
    Lorsqu’il pénétra d’un pas mal assuré, maîtresse Hase se rua vers lui, s’écriant :
    — Ah, Dieu du ciel, on croirait un revenant ! Assoyez-vous, mais assoyez-vous. Je vous porte à manger et à boire.
    — Non… je… maîtresse Hase, permettez que je m’allonge une heure. Une passagère fatigue.
    Soudain grave, tendue, l’aubergiste demanda :
    — Avez-vous entendu Sylvine ? Est-elle enfin en paix ? Sylvine, ma sœur aînée.
    Hardouin la considéra un instant et déclara d’une voix éteinte :
    — Ah… tout se rejoint donc. Elle est apaisée, je crois. Messire de Tisans se trouve-t-il céans ?
    — Non pas, je ne l’ai point vu depuis votre départ.

    Hardouin s’écroula et plongea dans un sommeil sans rêves. Lorsqu’il s’éveilla, le soir était tombé et un courant d’air glacial s’engouffrait par la fenêtre de sa chambre dont il n’avait pas rabattu la peau huilée, ni refermé le volet. Il se sentait régénéré, quoiqu’alourdi d’un déplaisant secret qu’il aurait préféré ne pas partager. Surtout, Il s’inquiétait de l’accueil que lui réserverait Tisans. Difficile de croiser le regard d’un homme qui sait que votre fille, moniale, tua sa sœur par jalousie de femme. Quelle suite souhaiterait donner le sous-bailli de Mortagne à ces affreuses révélations ?

    Lorsqu’il le rejoignit à sa table, Tisans buvait en solitude. Il s’était écarté des autres habitués qui soupaient dans un joyeux brouhaha. Un peu soulagé, Hardouin songea que maîtresse Hase était trop occupée pour venir bavarder avec eux.
    — Puis-je me joindre à vous, seigneur bailli ?
    — De grâce. Je n’ose vous demander de me donner de mon nom simple ou de mon prénom. Vous partagez maintenant avec moi une terrible familiarité. Votre pardon pour cela. Je m’en veux de vous avoir, bien involontairement, imposé les confidences de cette femme.
    — Par estime et respect, je m’en veux d’avoir été, bien involontairement, leur témoin.
    — Que feriez-vous à ma place ?
    — N’étant point père, ma réponse resterait théorique et donc inadéquate.
    — L’honneur commanderait que je révèle tout et que je fasse amende sincère pour mon stupide et acharné aveuglement.
    — À qui et pour quel objet ? Suffit, selon moi, de s’en remettre à Dieu. Je sais que, par honneur justement, vous n’exigerez de moi aucune parole de silence. Aussi, je vous

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