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En ce sang versé

En ce sang versé

Titel: En ce sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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qu’elle ne le voyait pas, qu’elle visitait pour la millième fois le même douloureux passé.
     
    … Sylvine Brochet, qui servait notre famille depuis des lustres, parvint à lui en arracher la cause. Henriette s’acharnait à dissuader sa puinée d’épousailles, alors même qu’elle trouvait tous prétextes pour venir visiter mon frère et l’assommer de mines coquettes et de pouffements de fille éprise. Il la tenait à distance, avec la courtoisie due à son genre.
    L’innommable se noua. À l’automne, Hermione se rendit à l’étang de Basse-Roche, à la pressante requête de Nicol. Comme à chaque fois, celui-ci désireux de garantir la réputation de sa mie tant aimée, requit la présence alentour de Sylvine, qui s’improvisait alors chaperon…
     
    — Ma faute, ma très grande et très impardonnable faute, murmura l’intéressée en joignant les mains. Mes sens, que je ne parvenais à brider, m’ont punie au centuple. Jolie oiselle peu farouche, je profitais du bon temps lors qu’il se présentait. Mais je vieillissais. Le regard des hommes se faisait moins pesant, leurs sourires moins engageants, leurs compliments bien plus rares. Nombre ne se retournaient plus sur mon passage.
    Elle sourit, ailleurs, avant de poursuivre :
    — À la demande de leur père, Dieu berce son âme, j’ai déniaisé 10 Louis puis Nicol. Toujours est-il que ce manœuvrier, magnifique spécimen plus jeune que moi, m’avait fait comprendre que je ne le laissais pas indifférent. Sachant que jamais Nicol ne tenterait de trousser sa future épouse, pas même dans un accès de passion, j’avais donné rendez-vous au bel inconnu à l’étang de Basse-Roche. Bel et fougueux, au point que j’en oubliai les heures.
    Un sanglot sec lui coupa la parole. Elle plaqua les mains sur sa bouche et gémit :
    — N’est-il pas ahurissant, épouvantable que je ne me souvienne ni du visage, ni du nom de cet amant d’un jour, alors que nos ébats déchaînés ont coûté la vie de trois belles personnes, sans compter la mienne ?
    — Poursuivez, Sylvine, demanda Hardouin d’un ton affligé.
    — Oh, je l’entends ainsi puisque j’attends ce moment depuis quatorze ans. Je me souviens. Je me suis rajustée et ai remonté la colline en hâte. De son sommet, je l’ai vue. Henriette. Poings sur les hanches, elle fixait quelque chose dans l’eau, non loin d’un rocher. Soudain, une terreur comme je n’en avais jamais ressenti m’a envahie. Je… vois, certaines choses, un don de femme qui me vient d’une aïeule, un don bien abîmé. J’ai couru telle une folle en criant. Échevelée par une lutte, les joues en feu, Henriette souriait, absente. Un peu plus loin, le cadavre d’Hermione, alourdi par ses vêtements d’automne, flottait entre deux eaux. Les manches d’Henriette, le devant et le bas de sa cotte étaient trempés. Si elle ne l’a pas poussée, profitant du départ de Nicol, elle lui a, du moins, maintenu la tête sous l’eau. La profondeur n’était guère excessive et Hermione aurait pu se redresser.
    — Mais enfin… elle a… affirmé s’être démenée… Avoir bagarré… afin de tirer sa sœur sur la berge, bafouilla messire de Tisans. Hermione aurait glissé lors d’une promenade, s’assommant sur une grosse pierre.
    Sylvine ne parut pas l’entendre. Elle continua :
    — J’ai voulu me jeter à l’eau, espérant qu’Hermione avait juste perdu conscience. Henriette m’a ceinturée avec une force sidérante. Elle a déclaré d’un ton très calme : « Enfin crevée. Point trop tôt ! » Je me suis tournée, prête à la frapper, la menaçant de tout révéler. Elle a pouffé, me mettant en garde : « Oublies-tu que je suis la fille adorée du seigneur bailli. Il gobera tout ce que je lui servirai et tu finiras au chafaud, pauvre vieille folle qui court le cul des gueux ! As-tu du moins savouré celui-là ? » Voilà mon histoire. Achève ta lecture, bourreau.
     
    Je m’accuse de sécheresse de cœur, de stupidité. Après un deuil épouvantable, Nicol ayant perdu le goût du boire, du manger et du rire, revisitant les endroits qu’il avait partagés avec Hermione, j’ai jugé qu’il était temps pour lui de revenir à la vie. Je n’ai pas compris qu’Hermione, l’ange adorable, avait emporté jusqu’à son envie de respirer. J’ai tancé mon frère, le rabrouant, le traitant de mazette, de faible donzelle. Pour avoir la paix, il m’a donné belle réplique,

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