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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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l’athée.
    — Lui-même. Il est abbé de la
paroisse Saint-Denis en Montpellieret, laquelle paroisse possède en ses murs un
cimetière, dont les prêtres papistes profitent grandement, tirant pécunes, à
chaque inhumation, de l’ouverture de la terre.
    Carajac reprit souffle, comme étonné
lui-même d’avoir parlé si longtemps.
    — J’opine, dit-il, que nous
vidions nos pots et allions, de ce pas, le voir.
    — À quelle fin ? dit
Merdanson.
    Mais Carajac, ayant épuisé pour la
journée sa provision de paroles, fit signe du chef qu’il en avait dit assez et
s’accoisa. Telle était cependant la force de persuasion que lui donnait sa
taciturnité que, sans le questionner plus outre, j’appelai l’alberguière et la
payai. Elle ne me bailla pas un sourire, me battant froid depuis l’histoire de
Caudebec et du pesteux.
    La nuit tombait quand on arriva au
logis de Cabassus, lequel était situé à l’écart de ceux où vivaient les prêtres
de la paroisse. Ceux-ci logeaient en une sorte de communauté, quasiment comme
des moines.
    Carajac toqua petit à l’huis et à
voix basse se nomma. La porte s’ouvrit à demi, puis tout grand, et dans une
mesquine pièce dont le plafond était si bas que Carajac le touchait du chef,
apparut un petit être fort hirsute et fort maigre dont les yeux, à la lueur de
l’unique chandelle posée sur une misérable table, me parurent un peu fols, tant
ils étaient brillants et tournant dans l’orbite, en cela imitant les membres
qui dansaient, branlaient, et sautaient sans répit et sans nécessité aucune,
car Cabassus était occupé à cuire, dans un pot ébréché, à la chiche flamme de
son âtre, ce qui, à l’odeur, me parut être une poule au chou.
    — Mes frères, dit-il d’une voix
de fausset, mes frères non pas en Dieu, lequel n’existe point, mais de par
notre commune espèce, j’entends l’humanité, soyez les bienvenus en mon logis et
à mon pot. Tirez par là, mes frères, penchez-vous. Il n’y a point de mystère de
la sainte Trinité. C’est une poule. Je l’ai larronnée hier dans le poulailler
d’un bourgeois étoffé, vu qu’il me faut bien nourrir ma pauvre guenille, dans
la persuasion que je suis que mon âme ne lui survivra point, au rebours de ce
que la Sainte Église enseigne. Le chou, en revanche, est mon bien, venant tout
droit de mon potager, lequel jouxtant le séjour des morts, est gras et bien
nourri. Chou et poule vont ensemble nous amuser la gueule en compagnie d’un
flacon de bon vin, si tant est que Carajac ait tenu sa promesse.
    — Il la tient, dit Carajac et,
sortant un flacon de dessous son manteau, il le tendit à Cabassus qui s’en
saisit avec un grand branlement de tout le corps et son œil roulant dans
l’orbite. Puis avec une extraordinaire dextérité, il le déboucha et en remplit
quatre gobelets.
    — Trinquons, dit Cabassus, à
l’inexistence de Dieu.
    — Je trinque, dis-je, à
l’existence de Dieu. À Dieu je crois.
    — Moi aussi, dit Merdanson.
    — Moi aussi, dit Carajac.
    — Mes frères, dit Cabassus après
qu’il eut avalé d’un trait son gobelet, je vous aime pour l’amour de
l’humanité, mais vous êtes plongés dans une mortelle erreur. Quel fond peut-on
faire, en effet, sur les récits confus, oraux, contradictoires de quatre
Hébreux crédules et populaires, artisans mécaniques qui, ne sachant rien,
croyaient tout, comme le laboureur de nos villages croit aux miracles de son
saint ? Et à cela que répond mon Église ? Par le bûcher. La brutale
faiblesse de la réplique démontre à elle seule la force irréfragable de
l’interrogation. Mes frères, poursuivit-il en mettant la main sur un épais
rouleau de feuilles manuscrites, j’ai écrit là un petit traité latin sur
l’inexistence de Dieu et la non-immortalité de l’âme que j’ai intitulé Nego [73] traité dont j’attendrais qu’il illumine les esprits enténébrés de notre
temps, si imprimeur se trouvait, qui voulût bien l’imprimer ! Mais aucun
n’a ce courage. Mon Nego périra avec moi.
    — Prêtre, dit Carajac, tu nies
donc aussi l’immortalité de l’âme ?
    — Oui-da ! Je la nie, dit
Cabassus en roulant des yeux. Je n’ai jamais rencontré une âme qui fût
distincte du corps où elle vivait. Et toi, chirurgien Carajac qui as vu des
dissections et qui n’as d’appétit que d’en faire, est-ce que le chirurgien, en
découpant un mort, a déjà mis à nu l’âme sous son

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