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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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matin et, la narine palpitante, je respirais avec délices l’odeur de
l’avenir inconnu, m’abandonnant à la véhémence de joie dont j’étais saisi au
sortir de mes tracassements.
    J’atteignis sans alerte la porte de
la ville, et là, chargés que nous étions de nos bagues, et au surplus tous
trois masqués, il fallut montrer patte blanche au gardien, à savoir les trois
laissez-passer que nous avait baillés Cossolat.
    — Mon noble Moussu, dit le gardien,
lequel était rond comme boule, avec une bonne et bénigne face, l’œil d’un chien
fidèle et la lippe friande, vous n’allez point tarder, ayant chevaux si vifs,
de rattraper le Capitaine Cossolat et un peloton d’archers. Ils accompagnent
Vignogoule et son affreuse garce, car les deux aides du bourreau sont saisis
depuis deux jours d’une fièvre quarte, lesquels (je parle de Vignogoule et de
sa femme) mènent pendre une pauvrette qui a occis son enfantelet pour ce
qu’elle l’avait conçu hors mariage. Plus jolie mignote oncques ne vis, et je me
pense que c’est grande pitié qu’on détruise ainsi l’ouvrage et l’image de Dieu.
    — Ha ! dis-je. Mais
n’est-ce pas à l’accoutumée à la Porte de la Saulnerie, dans un champ
d’oliviers, qu’on pend les criminels ? Je me ramentevois qu’à mon arrivée
en Montpellier en juin 1566 et venant de Narbonne, il y a de cela quinze mois,
j’ai vu le gibet tout dressé et sur les arbres circonvoisins les morceaux
démembrés d’une drolette qu’on avait pendue pour même crime.
    — Mon noble Moussu, on a changé
le lieu, le maître du champ ne voulant plus le louer, arguant que l’odeur lui
gâtait ses olives. Et la ville a acheté depuis une oliveraie, dont les arbres
avaient tourné stériles, à deux lieues de la commune clôture, sur le grand
chemin de Nismes. C’est là que vous trouverez, à sa vilaine besogne,
Vignogoule, lequel ferait mieux de pendre d’abord son horrible femelle et de se
pendre lui-même ensuite, tant ils sont l’un et l’autre cruels, avaricieux,
odieux à tous, et d’une laideur à vous faire raquer vos tripes. Ha, mon noble
moussu ! combien j’ai vu passer de ces drolettes qu’on menait au gibet
pour la destruction de leur fruit, tandis que les pères de leurs enfantelets se
trantolent en la ville, libres comme l’air et, qui plus est, se paonnant
d’avoir si bien besogné les pauvrettes, et se gaussant de leur simplicité, leur
ayant promis mariage !
    — Ha, gardien, dis-je. Tu as
raison. L’homme est fourbe et la justice, boiteuse.
    Pour le reste, le bonhomme avait
bien dit aussi. Nos chevaux étaient vifs et ne tardèrent pas à rattraper les
lourdes montures de Cossolat. Le peu de pluie de la nuit ayant séché plus vite
sur le grand chemin que sur le pavé de la ville, les rosses des archers nous
mirent, dès que nous fûmes proches, tant de poussière dans l’œil et dans le nez
que je décidai de les dépasser et d’autant que mon dessein était de bailler à
Cossolat au passage, sans m’arrêter, un salut des plus brefs, ayant sur le cœur
son accueil de la veille à l’Aiguillerie. Cependant, avant que de donner l’éperon,
j’ôtai mon masque, qui me tenait fort chaud, car le soleil était levé, et qui,
de reste, ne m’était plus utile puisque j’avais laissé derrière moi mes
ennemis, croupissant derrière la commune clôture dans leur haine dévote.
    — Çà, Samson, dis-je, réveillez-vous,
monsieur mon frère ! Il n’est plus temps de s’acagnarder sur votre Albière
comme dans un lit. Piquons, monsieur, piquons ! Ces lourdauds nous donnent
leur poussière à gloutir ! Nous allons leur bailler la nôtre !
    Et je mis au galop, suivi de Samson
et, à quelques toises à peine de lui, de Miroul, menant fort adroitement ses
deux arabes. Cependant, le cortège qui nous devançait tenant toute la largeur
de la route, je dus mettre au trot, puis au pas, et criai aux archers devant
moi de me laisser le passage. Sans paraître m’ouïr, ni même tourner la tête, ni
broncher, ils poursuivirent comme devant, malgré mes cris, et s’étalant
davantage, s’il se pouvait, sur toute la largeur du chemin qui, à vrai dire,
n’était guère large en cet endroit, étant resserré entre deux rochers. Ému de
leur insolence, je délibérai si, dégainant, je n’allais pas donner du plat de
mon épée sur les croupières de leurs chevaux, quand Cossolat, attiré par ce
tumulte, apparut. Je le saluai non sans froideur, à

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