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En Route

Titel: En Route Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joris-Karl Huysmans
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médiatrice des pardons à son aide et il fut persuadé que la vierge ne l'écoutait plus.
    Il se tut, découragé, et l'ombre se condensa encore, et une nuit complète le recouvrit. Il ne souffrit plus alors, au sens propre du mot, mais ce fut pis ; car ce fut l'anéantissement dans le vide, le vertige de l'homme que l'on courbe sur un gouffre ; et les bribes de raisonnement qu'il pouvait rassembler et lier, dans cette débâcle, finirent par se ramifier en des scrupules.
    Il cherchait quelles fautes justifiaient, depuis sa communion, une telle épreuve et il ne les découvrait pas. Il en vint à grossir ses peccadilles, à enfler ses impatiences ; il voulut se convaincre qu'il avait éprouvé un certain plaisir à surprendre l'image de Florence dans sa cellule, et il se tortura si violemment qu'il ranima l'âme à moitié évanouie par ces moxas et la remit, sans le vouloir, dans cet état aigu de scrupules où elle était, quand s'annonça la crise.
    Et il ne perdait pas, dans ces bagarres de réflexions, la triste faculté de l'analyse. Il se disait, se jaugeant d'un coup d'oeil : - je suis comme la litière d'un cirque, piétiné par toutes les douleurs qui sortent et rentrent à tour de rôle. Les doutes sur la foi, qui semblaient s'étirer dans tous les sens, tournaient, en somme, dans le même cercle. Et voici maintenant que les scrupules, dont je me croyais débarrassé, réapparaissent et me parcourent.
    Comment expliquer cela ? Cette torture, qui la lui infligeait, l'esprit de malice ou Dieu ?
    Qu'il fût trituré par le malin, cela était sûr ; la nature même de ces attaques décelait son étampe ; oui, mais comment interpréter cet abandon de Dieu ? Car enfin, le démon ne pouvait empêcher le sauveur de l'assister ! Et il était bien obligé de conclure que s'il était martyrisé par l'un, l'autre se désintéressait, laissait faire, se retirait complètement de lui.
    Cette constatation déduite de remarques précises, cette assurance raisonnée, l'acheva. Il en cria d'angoisse, regardant l'étang près duquel il marchait, souhaitant d'y tomber, jugeant que l'asphyxie, que la mort seraient préférables à une vie pareille.
    Puis il trembla devant cette eau qui l'attirait et il s'enfuit, charria sa détresse au hasard des bois. Il tenta de l'user par de longues marches, mais il se fatiguait sans la lasser ; il finit par s'affaisser, moulu, brisé, devant la table du réfectoire.
    Il considérait son assiette, sans courage pour manger, sans envie de boire ; il haletait, ne tenait plus, si éreinté qu'il fût, en place. Il se leva, erra dans la cour, jusqu'aux complies et là, dans la chapelle où il espérait quand même trouver un soulagement, ce fut le comble ; la mine éclata ; l'âme sapée depuis le matin fit explosion.
    A genoux, désolé, il tentait encore d'invoquer un appui et rien ne venait ; il étranglait, emmuré dans une fosse si profonde, sous une voûte si épaisse, que tout appel était étouffé, qu'aucun son ne vibrait. à bout de courage, il pleura, la tête dans ses mains, et, tandis qu'il se plaignait à Dieu de l'avoir ainsi amené, pour le supplicier, dans une Trappe, d'ignobles visions l'assaillirent.
    Des fluides lui passaient devant la face, peuplaient l'espace de priapées. Il ne les voyait pas avec les yeux de son corps qui n'étaient nullement hallucinés, mais il les percevait hors de lui et les sentait en lui ; en un mot, le toucher était extérieur et la vision interne.
    Il tâcha de fixer la statue de saint Joseph, devant laquelle il se tenait, et il voulut se forcer à ne discerner qu'elle, mais ses yeux semblèrent se retourner, ne plus voir qu'en dedans et des croupes ouvertes les emplirent. Ce fut une mêlée d'apparitions aux contours indécis, aux couleurs confuses, qui ne se précisaient qu'aux endroits convoités par la séculaire infamie de l'homme. Et cela changea encore. Les formes humaines se fondirent. Il ne resta, dans d'invisibles paysages de chairs, que des marais rougis par les feux d'on ne sait quel couchant, que des marais frissonnant sous l'abri divisé des herbes. Puis le site sensuel se rétrécit encore, mais se maintint, cette fois, et ne bougea plus ; et ce fut la poussée d'une flore immonde, l'épanouissement de la pâquerette des ténèbres, l'éclosion du lotus des cavernes, enfoui au fond du val.
    Et des souffles ardents stimulaient Durtal, l'enveloppaient, se muaient en des haleines furieuses qui lui buvaient la

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