En Route
l'Atre, saint Bernard avait su assortir la règle Cistercienne et le site.
Mais, laissons ces imaginations, dit-il, en se levant ; et, songeant que c'était dimanche, il se transféra à Paris, revit ses haltes, ce jour-là, dans les églises.
Le matin, Saint-Séverin l'enchantait, mais il ne fallait pas s'ingérer dans ce sanctuaire d'autres offices. Les vêpres y étaient bousillées et mesquines ; et, si c'était jour de gala, le maître de chapelle se révélait obsédé par l'amour d'une musique ignoble.
Quelquefois, Durtal s'était réfugié à Saint-Gervais où l'on jouait au moins, à certaines époques, des motets de vieux maîtres ; mais cette église était, de même que saint-Eustache, un concert payant où la foi n'avait que faire. Aucun recueillement n'était possible au milieu de dames qui se pâmaient derrière des faces à main et s'agitaient dans des cris de chaises. C'étaient de frivoles séances de musique pieuse, un compromis entre le théâtre et Dieu.
Mieux valait Saint-Sulpice où le public était silencieux au moins. C'était là, d'ailleurs, que les vêpres se célébraient avec le plus de solennité et le moins de hâte.
La plupart du temps, le séminaire renforçait la maîtrise et, maniées par ce choeur imposant, elles se déroulaient, majestueuses, soutenues par les grandes orgues.
Chantées, par moitié, sans unisson, réduites à l'état de couplets débités, les uns, par un baryton et, les autres, par le choeur, elles étaient maquillées et frisées au petit fer, mais comme elles n'étaient pas moins adultérées dans les autres églises, il y avait tout avantage à les écouter à Saint-Sulpice dont la puissante maîtrise, très bien dirigée, n'avait pas, ainsi qu'à Notre-Dame, par exemple, ces voix en farine qui s'égrugent au moindre souffle.
Cela ne devenait réellement odieux que lorsqu'en une formidable explosion, la première strophe du Magnificat frappait les voûtes.
L'orgue avalait alors une strophe sur deux et, sous le séditieux prétexte que la durée de l'office des encensements était trop longue pour être emplie, tout entière, par ce chant, M. Widor, installé devant son buffet, écoulait des soldes défraîchis de musique, gargouillait Là-Haut, imitant la voix humaine et la flûte, le biniou et le galoubet, la musette et le basson, rapiotait des balivernes qu'il accompagnait sur la cornemuse ou bien, las de minauder, il sifflait furieusement au disque, finissait par simuler le roulement des locomotives sur les ponts de fonte, en lâchant toutes ses bombardes.
Et le maître de chapelle, ne voulant pas se montrer inférieur dans sa haine instinctive du plain-chant à l'organiste, se donnait la joie, lorsque commençait le salut, de remiser les mélodies grégoriennes, pour faire dégurgiter des rigodons à ses choristes.
Ce n'était plus un sanctuaire, mais un beuglant. Les Ave maria, les Ave verum, tous les déculottages mystiques de feu Gounod, les rapsodies du vieux Thomas, les entrechats d'indigents musicastres, défilaient, à la queue leu leu, dévidés par des chefs de choeur de chez Lamoureux, chantés malheureusement aussi par des enfants dont on ne craignait pas de polluer la chasteté des voix, dans ces passes bourgeoises de musique, dans ces retapes d'art !
- Ah ! se disait Durtal, si seulement ce maître de chapelle, qui est évidemment un excellent musicien, car enfin, lorsqu'il le faut, il sait faire exécuter, mieux que nulle part à Paris, le De profundis en faux bourdon et le Dies Irae, si seulement cet homme faisait jouer, ainsi qu'à saint-Gervais, du Palestrina et du Vittoria, de l'Aichinger et de l'Allegri, de l'Orlando de Lassus et du de Près, mais non, il doit également abominer ces maîtres, les considérer comme des débris archaïques, bons à reléguer dans des combles !
Et Durtal continuait :
C'est tout de même incroyable, ce que l'on entend maintenant à Paris, dans les églises ! Sous couleur de ménager le gagne-pain des chantres, on supprime la moitié des strophes des cantiques et des hymnes et l'on y substitue, pour varier les plaisirs, les divagations ennuyées d'un orgue.
On y beugle le Tantum ergo sur l'air national autrichien, ou, ce qui est pis encore, on l'affuble de flons-flons d'opérettes ou de glous-glous de cantine. On divise même son texte en des couplets qu'on agrémente, ainsi qu'une chanson à boire, d'un petit refrain.
Et les autres proses ecclésiales sont traitées de même.
Et
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