En Route
de macadam, mais des robes d'un brun violi de prune, sur lequel tranchait le blanc tuyauté d'un surplis neuf.
Tandis que le P. Maximin, vêtu d'une chape d'un blanc laiteux, tissée de croix en jaune citron, insérait l'hostie dans la custode, le thuriféraire déposait l'encensoir sur les braises duquel fondaient les larmes des vrais encens. Contrairement à ce qui a lieu à Paris où l'encensoir brandi devant l'autel sonne contre ses chaînes et simule le cliquetis clair du cheval qui secoue, en levant la tête, la gourmette et le mors, l'encensoir à la Trappe demeurait immobile devant l'autel, fumait seul, derrière le dos des officiants.
Et tout le monde chanta l'implorante et la mélancolique antienne du Parce Domine, puis le Tantum ergo, ce chant magnifique qui pourrait presque être mimé, tant les sentiments qui se succèdent dans sa prose rimée sont, dans leurs nuances, nets.
Dans la première strophe, il semble, en effet, qu'il hoche doucement la tête, qu'il appuie, pour ainsi dire, du menton, afin d'attester l'insuffisance des sens à expliquer le dogme de la présence réelle, l'avatar accompli du pain. Il est alors admiratif et réfléchi ; puis cette mélodie si attentive, si respectueuse, ne s'attarde plus à constater la faiblesse de la raison et la puissance de la foi, mais dans sa seconde strophe, elle s'élance, adule la gloire des trois personnes, exulte d'allégresse, ne se reprend qu'à la fin où la musique ajoute un sens nouveau au texte de saint Thomas, en avouant dans un long, dans un dolent amen, l'indignité de l'assistance à recevoir la bénédiction de la chair remise sur cette croix que l'ostensoir va dessiner dans l'air.
Et, lentement, tandis que, déroulant sa spirale de fumée, l'encensoir tendait comme une gaze bleue devant l'autel, tandis que le saint-sacrement se levait, tel qu'une lune d'or, parmi les étoiles des cierges scintillant dans les ténèbres commencées de cette brume, les cloches de l'abbaye tintèrent, à coups précipités et doux. Et tous les moines accroupis, les yeux fermés, se redressèrent et entonnèrent le Laudate sur la vieille mélodie qui se chante également à Notre-Dame-des-Victoires, au Salut du soir.
Puis, un à un, après s'être agenouillés devant l'autel, ils sortirent de l'église, pendant que Durtal et l'oblat retournaient à l'hôtellerie où les attendait le P. Etienne.
Il dit à Durtal : - Je ne voulais pas aller me coucher, sans savoir comment vous aviez supporté la journée ; et comme Durtal le remerciait, en l'assurant que ce dimanche avait été très pacifique, le père étienne sourit et révéla, en un mot, que, sous leur attitude réservée, tous à la Trappe, s'intéressaient à leur hôte plus que lui-même ne le croyait.
Le R. P. abbé et le P. prieur vont être contents quand je vais leur donner cette réponse, dit le moine, qui souhaita bonne nuit à Durtal, en lui serrant la main.
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Chapitre 7
A sept heures, au moment où il s'apprêtait à manger son pain, Durtal se heurta au P. Etienne.
- Mon père, dit-il, c'est demain mardi ; le temps de ma retraite est écoulé et je vais partir ; comment dois-je m'y prendre pour commander une voiture à Saint-Landry ?
Le moine sourit.
- Je puis, quand le facteur apportera le courrier, le charger de cette commission ; mais, voyons, vous avez donc bien hâte de nous quitter ?
- Non, mais je ne voudrais pas abuser…
- Ecoutez, puisque vous êtes si bien rompu à la vie des Trappes, restez-nous encore pendant deux jours. Le procureur doit se rendre, pour régler un différend, à Saint-Landry. Il vous conduira à la gare dans notre voiture. Cela vous évitera une dépense et le trajet d'ici au chemin de fer vous paraîtra, à deux, moins long.
Durtal accepta et comme il pleuvait, il remonta dans sa chambre. Elle est étrange, fit-il en s'asseyant, cette impossibilité où l'on se trouve, dans un cloître, de lire un livre ; l'on n'a envie de rien ; on pense à Dieu par soi-même et non par les volumes qui vous en parlent.
Machinalement, il avait tiré d'un tas de bouquins un in-dix-huit, qu'il avait rencontré, sur sa table, le jour où il s'était installé dans la cellule ; celui-là exhibait ce titre : Manrèse ou les Exercices spirituels d'Ignace de Loyola.
Il avait déjà parcouru cet ouvrage à Paris et les pages qu'il feuilletait à nouveau ne changeaient pas l'impression rêche, presque hostile, qu'il avait conservée de ce livre.
Le fait est que
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