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En Route

Titel: En Route Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joris-Karl Huysmans
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haricots et un pot de miel.
    M. Bruno récita le Benedicite et voulut servir lui-même Durtal.
    Il lui donna un oeuf.
    - C'est un triste souper pour un Parisien, dit-il, en souriant.
    - Oh ! du moment qu'il y a un oeuf et du vin, c'est soutenable ; je craignais, je vous l'avoue, de n'avoir pour toute boisson que de l'eau claire !
    Et ils causèrent amicalement.
    L'homme était aimable et distingué, de figure ascétique, mais avec un joli sourire qui éclairait la face jaune et grave, creusée de rides.
    Il se prêta avec une parfaite bonne grâce à l'enquête de Durtal et raconta qu'après une existence de tempêtes, il s'était senti touché par la grâce et s'était retiré de la vie pour expier, par des années d'austérités et de silence, ses propres fautes et celles des autres.
    - Et vous ne vous êtes jamais lassé d'être ici ?
    - Jamais depuis cinq années que j'habite ce cloître ; le temps, découpé tel qu'il est à la Trappe, semble court.
    - Et vous assistez à tous les exercices de la communauté ?
    - Oui ; je remplace seulement le travail manuel par la méditation en cellule ; ma qualité d'oblat me dispenserait cependant, si je le désirais, de me lever à deux heures pour suivre l'office de la nuit, mais c'est une grande joie pour moi que de réciter le magnifique psautier bénédictin, avant le jour ; mais vous m' écoutez et ne mangez pas. Voulez-vous me permettre de vous offrir encore un peu de riz ?
    - Non, merci ; j'accepterai, si vous le voulez bien, une cuillerée de miel.
    Cette nourriture n'est pas mauvaise, reprit-il, mais ce qui me déconcerte un peu, c'est ce goût identique et bizarre qu'ont tous les plats ; ça sent, comment dirai-je… , le graillon ou le suif.
    - Ca sent l'huile chaude avec laquelle sont accommodés ces légumes ; oh ! Vous vous y accoutumerez très vite ; dans deux jours, vous ne vous en apercevrez plus.
    - Mais en quoi consiste, au juste, le rôle de l'oblat ?
    - Il vit d'une existence moins austère et plus contemplative que celle du moine, il peut voyager, s'il le veut, et, quoiqu'il ne soit pas lié par des serments, il participe aux biens spirituels de l'ordre.
    Autrefois, la règle admettait ce qu'elle appelait des "familiers".
    C'étaient des oblats qui recevaient la tonsure, portaient un costume distinct et prononçaient les trois grands voeux ; ils menaient en somme une vie mitigée, mi-laïque, mi-moine. Ce régime, qui subsiste encore chez les purs bénédictins, a disparu des Trappes depuis l'année 1293, époque à laquelle le chapitre général le supprima.
    Il ne reste plus aujourd'hui dans les abbayes Cisterciennes que les pères, les frères lais ou convers, les oblats quand il y en a, et les paysans employés aux travaux des champs.
    - Les convers, ce sont ceux qui ont la tête complètement rasée et qui sont vêtus, ainsi que le moine qui m'a ouvert la porte, d'une robe brune ?
    - Oui, ils ne chantent pas aux offices, et se livrent seulement à des besognes manuelles.
    - A propos, le règlement des retraites que j'ai lu dans ma chambre ne me semble pas clair. Autant que je puis me le rappeler, il double certains offices, met des matines à quatre heures de l'après-midi, des vêpres à deux heures ; en tout cas, son horaire n'est pas le même que celui des trappistes ; comment dois-je m'y prendre pour les concilier ?
    - Vous n'avez pas à tenir compte des exercices détaillés sur votre pancarte ; le père Etienne a dû vous le dire, d'ailleurs ; ce moule n'a été fabriqué que pour les gens qui sont incapables de s'occuper et de se guider eux-mêmes. Cela vous explique comment, pour les empêcher de demeurer oisifs, on a en quelque sorte décalqué le bréviaire du prêtre et imaginé de leur distribuer le temps en petites tranches, de leur faire débiter, par exemple, les psaumes des matines à des heures qui ne comportent aucun psaume.
    Le dîner était terminé ; M Bruno récita les grâces et dit à Durtal :
    - Vous avez, d'ici à complies, une vingtaine de minutes libres ; profitez-en pour faire connaissance avec le jardin et les bois. - Et il salua poliment et il sortit.
    Ce que je fumerais bien une cigarette, pensa Durtal, lorsqu'il fut seul. Il prit son chapeau et quitta, lui aussi, la pièce. La nuit tombait. Il traversa la grande cour, tourna à droite, longea une maisonnette surmontée d'un long tuyau, devina à l'odeur qu'elle exhalait une fabrique de chocolat et il s'engagea dans une allée d'arbres.
    Le

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