Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
à eux dans leur langue. Ils lui répondirent qu’ils sortiraient à condition que les Blancs promettent de ne pas les tuer. Ayant reçu cette assurance, American Horse, deux guerriers, cinq femmes et plusieurs enfants s’avancèrent lentement. Les autres étaient soit morts, soit trop grièvement blessés pour pouvoir bouger. American Horse, touché par une balle, avait l’aine déchirée. « Il tenait ses entrailles, raconta Grouard. Il me tendit l’une de ses mains ensanglantées et serra la mienne. »
Dans le village, le capitaine Mills avait trouvé une petite fille âgée de trois ou quatre ans. « Elle a bondi et s’est sauvée comme une jeune perdrix, dit-il. Les soldats l’ont attrapée et me l’ont ramenée. » Mills tenta de consoler l’enfant et lui donna à manger. Puis il ordonna à son ordonnance de l’amener lorsqu’il irait voir les victimes indiennes que les soldats sortaient de la caverne. Parmi les morts, il y avait deux femmes baignées de sang et blessées à de multiples endroits. « La petite fille s’est mise à hurler et à se débattre jusqu’à ce que l’ordonnance la pose par terre. Alors, elle s’est précipitée vers l’une des femmes et s’est jetée sur elle. C’était sa mère. J’ai dit à l’adjudant Lemly que j’allais adopter cette enfant, puisque j’avais tué sa mère. »
Le médecin venu examiner la blessure d’American Horse déclara qu’elle était mortelle. Assis près d’un feu, une couverture posée sur son ventre déchiré par la blessure, le chef finit par perdre connaissance avant de mourir.
Crook donna ordre à Mills de préparer ses hommes. La marche vers les Black Hills reprenait. « Avant de partir, raconte Mills, l’adjudant Lemly m’a demandé si je comptais vraiment emmener avec moi cette petite Indienne. Quand je lui ai dit que oui, il m’a répondu : “Et Madame Mills, vous pensez qu’elle sera d’accord ?” Je n’avais jusque-là pas envisagé les choses sous cet angle. Alors, j’ai décidé de laisser l’enfant là où je l’avais trouvee. »
Pendant que Crook détruisait le village d’American Horse, quelques-uns des Sioux qui étaient parvenus à s’échapper arrivèrent au campement de Sitting Bull et lui racontèrent les événements. Sitting Bull et Gall volèrent immédiatement au secours d’American Horse, accompagnés de six cents guerriers. Il était trop tard. Alors, ils attaquèrent les soldats de Crook. Mais comme ils avaient peu de munitions, l’arrière-garde des Tuniques Bleues parvint à les maintenir à distance pendant que le gros des troupes poursuivait sa route vers les Black Hills.
Lorsque les soldats furent tous partis, Sitting Bull et ses guerriers allèrent au village ravagé d’American Horse pour secourir les malheureux survivants et enterrer les morts. « Que veulent les Blancs de nous ? demanda Sitting Bull. Nous ne cessons de courir d’un point à l’autre de ce territoire, mais ils nous suivent partout. »
Pour mettre autant de distance que possible entre les soldats et les siens, Sitting Bull décida de longer la Yellowstone River avec son peuple en direction du nord, où l’on trouvait des bisons. À la Lune-où-les-feuilles-tombent, Gall et un groupe de chasseurs tombèrent sur un convoi de chariots de l’armée qui amenait des vivres à un nouveau fort en construction au confluent de la Tongue et de la Yellowstone (il s’agissait de Fort Keogh, baptisé ainsi en l’honneur du capitaine Keogh, tué à la bataille de la Little Bighorn).
Les Indiens tendirent une embuscade aux soldats près de Glendive Creek qui leur permit de capturer soixante mules. Dès que Sitting Bull apprit l’existence de ce convoi et du nouveau fort, il envoya chercher Johnny Brughiere, un métis qui avait rejoint son campement et savait écrire. Le chef sioux lui dicta ce qu’il voulait dire au commandant des soldats :
J’exige de savoir ce que tu fais sur cette route. Tu fais fuir les bisons. Je veux pouvoir chasser ici. Je veux que tu retournes d’où tu viens. Sinon, je reprendrai les armes. Je veux que tu laisses tout ici et que tu t’en ailles. Je suis ton ami.
Sitting Bull
Le lieutenant-colonel Elwell Otis, commandant du convoi, reçut ce message. Il répondit que les soldats faisaient route vers Fort Keogh, et que de nombreuses autres troupes devaient les rejoindre. Si Sitting Bull voulait se battre, les soldats seraient ravis de l’obliger.
Sitting Bull ne cherchait
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