Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
pas à se battre. Tout ce qu’il désirait, c’était qu’on le laisse chasser le bison en paix. Il envoya à Otis un messager porteur d’un drapeau blanc pour lui dire qu’il voulait lui parler. Or, le colonel Nelson Miles et ses hommes avaient rattrapé le convoi d’Otis. Comme Miles cherchait à entrer en contact avec Sitting Bull depuis le début de l’été, il accepta la rencontre sur-le-champ.
Celle-ci se déroula le 22 octobre au milieu des deux armées se faisant face. Miles s’était fait escorter d’un officier et de cinq hommes, Sitting Bull d’un de ses lieutenants et de cinq guerriers. Comme il faisait très froid, le colonel portait un long manteau ample bordé de fourrure d’ours, ce qui lui valut immédiatement le surnom de Manteau-d’Ours parmi les Indiens.
Il n’y eut ni discours préliminaire, ni partage amical de la pipe. Par l’intermédiaire de l’interprète, Johnny Brughiere, en l’occurrence Manteau-d’Ours, commença les pourparlers en accusant Sitting Bull de s’être toujours opposé aux Blancs et à leurs façons de vivre. Le chef indien reconnut qu’il n’était pas un grand ami des Blancs, mais qu’il n’était pas non plus leur ennemi – tant qu’ils le laissaient tranquille. Manteau-d’Ours voulut savoir ce qu’il faisait dans la vallée de la Yellowstone, question plutôt idiote à laquelle Sitting répondit néanmoins poliment en expliquant qu’il chassait le bison pour nourrir et vêtir sa famille. Miles fit alors allusion à la réserve hunkpapa, allusion que Sitting Bull ignora superbement. Il comptait passer l’hiver dans les Black Hills, affirma-t-il. Les pourparlers se terminèrent sans qu’aucune solution n’ait été trouvée. Les deux hommes convinrent de se revoir le lendemain.
Aucun accord ne put être conclu lors de la deuxième rencontra. Sitting Bull entama les discussions en expliquant qu’il avait combattu les soldats uniquement pour répondre à leurs attaques. Il promettait que la guerre cesserait si les Blancs retiraient leurs soldats et démantelaient les forts construits sur les terres indiennes. Manteau-d’Ours répliqua que les Sioux n’obtiendraient la paix qu’en allant tous vivre sur les réserves. À ces mots, Sitting Bull s’emporta. Le Grand Esprit avait fait de lui un Indien, mais surtout pas un Indien dépendant d’une agence, et il n’avait nullement l’intention de le devenir. Il mit un terme aux discussions et alla rejoindre ses guerriers, auxquels il ordonna de se disperser par crainte d’une attaque des soldats de Manteau-d’Ours. En effet, les Tuniques Bleues ouvrirent le feu. Les Hunkpapas fuirent et reprirent leurs pérégrinations.
Quand vint le printemps, Sitting Bull se lassa d’être sans cesse sur les chemins. Puisqu’il n’y avait plus assez de place pour les Blancs et les Sioux dans le pays du Grand Père, il emmènerait son peuple au Canada, le pays de la Grand-Mère, la reine Victoria. Mais avant, il voulut persuader Crazy Horse de faire comme lui. Il ne parvint pas à le trouver, du fait que le chef oglala et son peuple passaient leur temps à bouger pour échapper aux soldats.
À peu près au même moment, Crook cherchait lui aussi Crazy Horse. Cette fois-ci, le général avait rassemblé une immense armée et emporté suffisamment de rations pour remplir cent soixante-huit chariots, et de telles quantités de poudre et de munitions qu’il lui fallut quatre cents mules pour les transporter. La troupe impressionnante de Crook écuma la vallée de la Powder comme une horde de loups et traita avec la plus grande sauvagerie les Indiens qu’elle trouva sur son passage.
Les soldats cherchaient Crazy Horse, mais ce fut sur un village cheyenne, celui de Dull Knife, qu’ils tombèrent. La plupart des occupants n’avaient pas participé à la bataille de la Little Bighorn. Ils s’étaient échappés de leur réserve pour chercher à manger car l’armée avait pris le contrôle de l’agence et interrompu la distribution des rations. Le général Crook lança Trois-Doigts Mackenzie sur les cent cinquante tipis du campement.
C’était la Lune-où-les-cerfs-perdent-leurs-bois. Il faisait extrêmement froid et la neige s’était accumulée à l’ombre tandis qu’elle se recouvrait d’une couche de glace dans les endroits découverts. Mackenzie disposa ses troupes pendant la nuit, et frappa les Cheyennes au lever du jour. Ce furent les éclaireurs pawnees qui chargèrent les premiers,
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